Lot Essay
Le Deble de la collection Bochet est exceptionnel en ce qu'il réunit en une même sculpture la représentation du couple primordial usuellement sculpté en deux statues distinctes.
Il représente deux personnages, l'un masculin, l'autre féminin, se tenant debout dos-à-dos.
Il repose sur la haute base cylindrique qui servait à marteler le sol au rythme des instruments de musique.
Les jambes fines et légèrement fléchies sont écartées. Au sommet du torse épannelé, remarquable de finesse, l'attention se porte sur les épaules, au modelé arrondi qui se rejoignent à hauteur de poitrine. Les épaules et les bras décollés du buste sont projetés vers l'avant dans un mouvement original ; ils tracent une ligne très pure de part et d'autre de l'abdomen légèrement en pointe. Le relief osseux est délicatement marqué. Les mains larges et traitées de façon schématique sont posées à plat, autour du sexe, en haut des cuisses.
La femme est dotée de petits seins coniques assimilés aux épaules. Leur forme épointée fait écho au menton, à l'abdomen et aux genoux, contribuant à l'équilibre plastique de l'ensemble. La tête dolichocéphale repose sur un long cou cylindrique. Elle est ornée d'une coiffure constituée d'une crête sommitale et de deux petites tresses latérales.
A travers les visages, qui se distinguent par la sobriété du traitement et la géométrie des formes, se dévoile une expression de sérénité et de recueillement propre à la fonction d'esprit tutélaire que remplit cette sculpture.
Projetés vers l'avant, les visages traités en larges à-plats expriment une forte tension.
Le front est ample et bombé.
Les yeux, aux grandes paupières en forme de demi-cercle, sont clos dans une attitude suggérant une profonde méditation.
Le nez est figuré par une fine arête verticale se terminant par une petite bande horizontale. La bouche, de proportion plus grande chez l'homme, est représentée par un élément rectangulaire en relief. Les dents du personnage masculin sont nettement signifiées tandis que celles de la femme sont à peine esquissées. Le visage se termine par un petit menton, plus pointu et plus fin chez la femme.
On notera que le visage féminin présente une asymétrie : la bouche n'est pas centrée, l'arête nasale est légèrement courbée et la ligne des yeux est oblique.
L'homme, quant à lui, présente une face plus longue, aux proportions plus massives véhiculant une force majestueuse.
Si le visage masculin se distingue par la puissance qui l'anime, celui de la femme, dont l'asymétrie contribue au charme tout particulier, est habitée par une intériorité et une spiritualité remarquables. En effet, les paupières closes semblent être le siège d'une profonde méditation.
La patine est remarquablement belle, les traces de la coupe à l'herminette sur le bois ayant créé une surface au lustre facetté. On remarquera qu'elle s'est estompée par endroits, notamment sur les parties du corps que l'on tenait pour frapper le sol lors des cérémonies.
De part son extrême rareté, sa construction, sa taille monumentale, et la grande spiritualité qu'elle exprime, cette sculpture est, à n'en pas douter, un chef d'oeuvre de l'art Senoufo.
Les Senoufo, répartis entre le nord de la Côte d'Ivoire, le Burkina Faso et le Mali, sont un peuple d'agriculteurs. Ils ont développé, au cours des siècles, un art raffiné, au symbolisme lié à la terre et à la fécondité.
Le monde Senoufo est régi par l'importante société secrète du Poro, basée sur un système de classe d'âge et d'initiation, cette dernière étant dispensée en trois cycles de sept ans chacun. Associant les rites de passage et l'enseignement ésotérique, le Poro est à la fois un ordre et une structure d'autorité communautaires, un spectacle magique et un mystère initiatique.
Les cérémonies avaient lieu dans le bois sacré , îlot circulaire de forêt ou étaient conservés les objets du culte.
Les Debles étaient utilisés pour rythmer et scander les danses cérémonielles funéraires en frappant le sol, le martèlement de la terre étant destiné à chasser les mauvais esprits.
Sculptés par paire, ils étaient essentiellement destinés aux funérailles commémoratives d'anciens membres importants de la société du Poro, et apparaissaient lors des rites servant à initier le défunt dans la société des esprits ancestraux, tout en évoquant les ancêtres originels, soit le couple primordial créé par Dieu.
En 1946, apparu un nouveau culte d'origine Malienne : le Massa. Cette secte iconoclaste se répandit en quatre ans dans tout le pays Sénoufo et engendra une destruction massive des sculptures.
En 1950, le Père Convers photographia les statues du bois sacré de Lataha, proche de la ville de Korhogo. Dans cet ensemble figure le Deble du Metropolitan Museum de New-York, celui du Rietberg Museum, celui du Musée Barbier-Mueller ainsi que ses deux cimiers annelés, et enfin le Deble janus de la collection Bochet.
C'est le chef du village de Lataha, Lessesié Coulibali qui l'offrit à Monsieur Bochet en remerciement d'un service rendu. En effet, après une attaque lancée par les iconoclastes dans le bois de Lataha afin d'implanter un temple de Massa dans le village, les sculptures furent rejetées hors de l'espace sacré et perdirent ainsi leur puissance. Afin que le culte du Poro perdure, il fallait que soient remplacées les pièces désacralisées. Coulibali ne pouvant payer les forgerons-sculpteurs seuls habilités à façonner les sculptures du Poro, il fit appel à l'aide financière de Monsieur Bochet.
Trois mois plus tard le chef lui offrait cette exceptionelle sculpture avec la condition qu'il assisterait à ses obsèques avec les autres vieux initiés et qu'il conserverait la sculpture jusqu'à cette date. Il a tenu parole et garda la statue jusqu'à aujourd'hui
Une étude de Monseieur Gilbert Bochet sera remise à l'aquéreur.
Il représente deux personnages, l'un masculin, l'autre féminin, se tenant debout dos-à-dos.
Il repose sur la haute base cylindrique qui servait à marteler le sol au rythme des instruments de musique.
Les jambes fines et légèrement fléchies sont écartées. Au sommet du torse épannelé, remarquable de finesse, l'attention se porte sur les épaules, au modelé arrondi qui se rejoignent à hauteur de poitrine. Les épaules et les bras décollés du buste sont projetés vers l'avant dans un mouvement original ; ils tracent une ligne très pure de part et d'autre de l'abdomen légèrement en pointe. Le relief osseux est délicatement marqué. Les mains larges et traitées de façon schématique sont posées à plat, autour du sexe, en haut des cuisses.
La femme est dotée de petits seins coniques assimilés aux épaules. Leur forme épointée fait écho au menton, à l'abdomen et aux genoux, contribuant à l'équilibre plastique de l'ensemble. La tête dolichocéphale repose sur un long cou cylindrique. Elle est ornée d'une coiffure constituée d'une crête sommitale et de deux petites tresses latérales.
A travers les visages, qui se distinguent par la sobriété du traitement et la géométrie des formes, se dévoile une expression de sérénité et de recueillement propre à la fonction d'esprit tutélaire que remplit cette sculpture.
Projetés vers l'avant, les visages traités en larges à-plats expriment une forte tension.
Le front est ample et bombé.
Les yeux, aux grandes paupières en forme de demi-cercle, sont clos dans une attitude suggérant une profonde méditation.
Le nez est figuré par une fine arête verticale se terminant par une petite bande horizontale. La bouche, de proportion plus grande chez l'homme, est représentée par un élément rectangulaire en relief. Les dents du personnage masculin sont nettement signifiées tandis que celles de la femme sont à peine esquissées. Le visage se termine par un petit menton, plus pointu et plus fin chez la femme.
On notera que le visage féminin présente une asymétrie : la bouche n'est pas centrée, l'arête nasale est légèrement courbée et la ligne des yeux est oblique.
L'homme, quant à lui, présente une face plus longue, aux proportions plus massives véhiculant une force majestueuse.
Si le visage masculin se distingue par la puissance qui l'anime, celui de la femme, dont l'asymétrie contribue au charme tout particulier, est habitée par une intériorité et une spiritualité remarquables. En effet, les paupières closes semblent être le siège d'une profonde méditation.
La patine est remarquablement belle, les traces de la coupe à l'herminette sur le bois ayant créé une surface au lustre facetté. On remarquera qu'elle s'est estompée par endroits, notamment sur les parties du corps que l'on tenait pour frapper le sol lors des cérémonies.
De part son extrême rareté, sa construction, sa taille monumentale, et la grande spiritualité qu'elle exprime, cette sculpture est, à n'en pas douter, un chef d'oeuvre de l'art Senoufo.
Les Senoufo, répartis entre le nord de la Côte d'Ivoire, le Burkina Faso et le Mali, sont un peuple d'agriculteurs. Ils ont développé, au cours des siècles, un art raffiné, au symbolisme lié à la terre et à la fécondité.
Le monde Senoufo est régi par l'importante société secrète du Poro, basée sur un système de classe d'âge et d'initiation, cette dernière étant dispensée en trois cycles de sept ans chacun. Associant les rites de passage et l'enseignement ésotérique, le Poro est à la fois un ordre et une structure d'autorité communautaires, un spectacle magique et un mystère initiatique.
Les cérémonies avaient lieu dans le bois sacré , îlot circulaire de forêt ou étaient conservés les objets du culte.
Les Debles étaient utilisés pour rythmer et scander les danses cérémonielles funéraires en frappant le sol, le martèlement de la terre étant destiné à chasser les mauvais esprits.
Sculptés par paire, ils étaient essentiellement destinés aux funérailles commémoratives d'anciens membres importants de la société du Poro, et apparaissaient lors des rites servant à initier le défunt dans la société des esprits ancestraux, tout en évoquant les ancêtres originels, soit le couple primordial créé par Dieu.
En 1946, apparu un nouveau culte d'origine Malienne : le Massa. Cette secte iconoclaste se répandit en quatre ans dans tout le pays Sénoufo et engendra une destruction massive des sculptures.
En 1950, le Père Convers photographia les statues du bois sacré de Lataha, proche de la ville de Korhogo. Dans cet ensemble figure le Deble du Metropolitan Museum de New-York, celui du Rietberg Museum, celui du Musée Barbier-Mueller ainsi que ses deux cimiers annelés, et enfin le Deble janus de la collection Bochet.
C'est le chef du village de Lataha, Lessesié Coulibali qui l'offrit à Monsieur Bochet en remerciement d'un service rendu. En effet, après une attaque lancée par les iconoclastes dans le bois de Lataha afin d'implanter un temple de Massa dans le village, les sculptures furent rejetées hors de l'espace sacré et perdirent ainsi leur puissance. Afin que le culte du Poro perdure, il fallait que soient remplacées les pièces désacralisées. Coulibali ne pouvant payer les forgerons-sculpteurs seuls habilités à façonner les sculptures du Poro, il fit appel à l'aide financière de Monsieur Bochet.
Trois mois plus tard le chef lui offrait cette exceptionelle sculpture avec la condition qu'il assisterait à ses obsèques avec les autres vieux initiés et qu'il conserverait la sculpture jusqu'à cette date. Il a tenu parole et garda la statue jusqu'à aujourd'hui
Une étude de Monseieur Gilbert Bochet sera remise à l'aquéreur.