Lot Essay
Le paravent Oasis, véritable chef d'oeuvre de l'art du métal, rapidement devenu icône des arts décoratifs du XXème, est la parfaite expression de la modernité dont a fait preuve Edgar Brandt tout au long de sa carrière.
Maîtrisant parfaitement les techniques traditionnelles, il perçoit très vite les enjeux de son époque et les possibilités que lui ouvrent les progrès techniques résultant de l'évolution de la métallurgie. Désireux de réunir l'art et l'industrie, il affirme dès 1922 : "Nous vivons dans le véritable Age du Fer. Des puissants moyens de la métallurgie moderne, mis au service d'une oeuvre d'art conçue et réalisée en fonction de ces nouveaux outils, résultera un spectacle artistique d'une imposante grandeur."
Démonstration est faite au travers de cette oeuvre exceptionnelle : alliant le travail manuel et le travail mécanisé, utilisant le marteau pilon, le chalumeau, des machines à créneler, à estamper et la soudure par électrolyse, Brandt crée des formes aux lignes pures, souples et élégantes qui s'entremêlent, des découpes sur le pourtour des rosaces et des volutes proches d'un travail de dentelle par leur finesse et leur précision. Les jeux de courbes, de lignes droites et cercles concentriques impriment un sentiment de mouvement et de dynamisme à l'ensemble, accentué par les jeux de lumière obtenus grâce à l'usage du laiton qui rehausse le feuillage. Dans un monde où l' "on vit plus vite" comme disait Brandt, il sait traduire l'influence de la machine et de la vitesse sur l'esthétique de son temps.
Le programme décoratif du paravent fait encore état de diverses influences caractéristiques de ces années 1920-1930, comme celle des tissus chinois visible dans les motifs floraux au bas du paravent (cf. Joan Kahr, p. 143), le feuillage évoque l'art et la culture de l'Afrique coloniale, tandis que l'abstraction géométrique du paravent renvoie au cubisme.
Dès son exposition en 1924 au Salon d'Automne, puis au sein de l'Exposition Internationale 1925, Paris, le paravent connaît un véritable succès. Il fait l'objet de très nombreux articles et publications.
Henri Clouzot le décrit dès sa première exposition en 1924 comme "une oeuvre de virtuose sans précédent" (cf. Les Arts appliqués au Salon d'Automne, La Renaissance de l'Art Français et l'Industrie du Luxe, janvier 1925, p. 5), Guillaume Janneau en parle comme "d'un morceau magistral dont la souplesse, la richesse et la variété supposent des ressources moins limitées que celles du vieux métier de forge " (cf. Le Salon d'Automne, Art et Décoration, 1924, p. 188). Les Américains très admiratifs de l'oeuvre de Brandt consacrent également des articles au paravent. Paul Eisenbrey fait référence à un paravent dans la revue International Studio en décembre 1924, écrivant "vu d'une distance" il "luit d'une couleur riche et chaleureuse qui ne deviendra que plus intense avec le temps." (cf. Brandt, Master Ironworker, International Studio, 1924, p. 257) évoquant très certainement 'L'Oasis'.
Lors de l'Exposition Internationale de 1925, les oeuvres de Brandt figurent sur plusieurs stands, mais de façon récurrente, les critiques s'extasient principalement sur le paravent. L'Encyclopédie des Arts Décoratifs et Industriels Modernes au XXème siècle , publiée conjointement à l'exposition, vante l'oeuvre du maître ferronnier : "le talent de Brandt, l'imagination de son collaborateur Favier se manifestaient avec autant de variété que de force : leur oeuvre maîtresse, un grand paravent en tôle d'acier patinée, ouvrait à la ferronnerie une voie toute nouvelle." (Vol. 5, p. 35).
Guillaume Janneau évoque à nouveau le paravent, l'admirant une nouvelle fois lors de l'Exposition Internationale, le qualifiant "d'une oeuvre de toute beauté" ainsi que "d'un travail de tôlerie plutôt que de ferronnerie", félicitant Brandt pour son utilisation de la technologie moderne (cf. Guillaume Janneau, Le fer à l'Exposition Internationale des Arts Décoratifs Modernes, 1925, p. 3). La revue anglaise, Artwork, célèbre l'oeuvre de Brandt dans son ensemble, tout en remarquant que ses créations "démontrent l'incontestabilité de sa maîtrise dans le domaine de cet art délicat" et renvoie le lecteur à une illustration du paravent 'L'Oasis' (cf. Some notes on the Paris exhibition, oct.-dec. 1925, p. 57).
Les catalogues de la Galerie Brandt et de son antenne New-Yorkaise, Ferrobrandt, illustrent de même le paravent.
Le thème de la fontaine, illustré sur le panneau central, deviendra un thème fréquent dans l'oeuvre d'Edgar Brandt dès l'exposition de 1925. Il réalise notamment une paire de portes avec ce même motif pour le XVème Salon de la Société des Artistes Décorateurs. Un miroir exposé au sein de l'Hôtel du Collectionneur de Jacques-Emile Ruhlmann, lors de l'Exposition Internationale, présente également un décor intégrant une fontaine. Ce motif sera prisé par d'autres créateurs à cette même époque. René Lalique le décline dans son pavillon au cours de l'Exposition Internationale ainsi que sur le stand des parfums Caron au Grand Palais. Edouard Benedictus le met à l'honneur sur le papier peint qu'il utilise pour le stand de l'Ambassade de France. Le Pavillon de la Manufacture de Sèvres n'est pas en reste. Les deux urnes massives qui ornent l'entrée du Pavillon sont surmontées par des jets d'eau stylisés.
Mais le plus grand succès du paravent 'L'Oasis' réside peut-être dans le fait que son décor sera copié et diffusé à travers d'autres média en France et à l'étranger. Paul Follot s'en inspire dans son papier peint Leaves créé pour l'entreprise amiricaine F. Schumacher & Co. L'emballage du célèbre parfum L' Heure Bleue de Guerlain reprend le motif de la fontaine et du feuillage. Une copie du paravent est même utilisée sur la scène des Folies Bergères lors d'un spectacle en 1926 (cf. Joan Kahr, p. 146). Aux Etats-Unis ceux sont les fabricants de soie new-yorkais Cheney Brothers qui font appel à Edgar Brandt pour réaliser le siège de leur compagnie à Madison Belmont. Les portes d'entrée déclinent une fois encore le thème de la fontaine et des feuillages du paravent 'L'Oasis', ornements qui seront vite repris partout dans l'architecture Art Déco. Par ailleurs, la présence de Brandt à New York, entre 1925 et 1927 avec son showroom Ferrobrandt, contribue largement à la diffusion de son travail sur place.
Edgar Brandt reste le ferronnier le plus important de son époque. Son oeuvre a été tenue en haute estime de tout temps, de son vivant comme dans sa postérité. Aujourd'hui encore son paravent 'L'Oasis' demeure une célébration de la modernité, tant dans son exécution technique que dans son esthétique.
Sa réputation est d'autant plus grande qu'elle comporte une part de mystère. Sa trace est totalement perdue pendant soixante et un ans, entre 1925 et 1986, date à laquelle il est retrouvé dans un sous-sol d'Amérique du Sud. En juin 2000, Christie's organise sa réapparition publique en l'incluant dans la vente Masterworks, qui vise à célébrer les créations les plus emblématiques du XXème siècle.
Maîtrisant parfaitement les techniques traditionnelles, il perçoit très vite les enjeux de son époque et les possibilités que lui ouvrent les progrès techniques résultant de l'évolution de la métallurgie. Désireux de réunir l'art et l'industrie, il affirme dès 1922 : "Nous vivons dans le véritable Age du Fer. Des puissants moyens de la métallurgie moderne, mis au service d'une oeuvre d'art conçue et réalisée en fonction de ces nouveaux outils, résultera un spectacle artistique d'une imposante grandeur."
Démonstration est faite au travers de cette oeuvre exceptionnelle : alliant le travail manuel et le travail mécanisé, utilisant le marteau pilon, le chalumeau, des machines à créneler, à estamper et la soudure par électrolyse, Brandt crée des formes aux lignes pures, souples et élégantes qui s'entremêlent, des découpes sur le pourtour des rosaces et des volutes proches d'un travail de dentelle par leur finesse et leur précision. Les jeux de courbes, de lignes droites et cercles concentriques impriment un sentiment de mouvement et de dynamisme à l'ensemble, accentué par les jeux de lumière obtenus grâce à l'usage du laiton qui rehausse le feuillage. Dans un monde où l' "on vit plus vite" comme disait Brandt, il sait traduire l'influence de la machine et de la vitesse sur l'esthétique de son temps.
Le programme décoratif du paravent fait encore état de diverses influences caractéristiques de ces années 1920-1930, comme celle des tissus chinois visible dans les motifs floraux au bas du paravent (cf. Joan Kahr, p. 143), le feuillage évoque l'art et la culture de l'Afrique coloniale, tandis que l'abstraction géométrique du paravent renvoie au cubisme.
Dès son exposition en 1924 au Salon d'Automne, puis au sein de l'Exposition Internationale 1925, Paris, le paravent connaît un véritable succès. Il fait l'objet de très nombreux articles et publications.
Henri Clouzot le décrit dès sa première exposition en 1924 comme "une oeuvre de virtuose sans précédent" (cf. Les Arts appliqués au Salon d'Automne, La Renaissance de l'Art Français et l'Industrie du Luxe, janvier 1925, p. 5), Guillaume Janneau en parle comme "d'un morceau magistral dont la souplesse, la richesse et la variété supposent des ressources moins limitées que celles du vieux métier de forge " (cf. Le Salon d'Automne, Art et Décoration, 1924, p. 188). Les Américains très admiratifs de l'oeuvre de Brandt consacrent également des articles au paravent. Paul Eisenbrey fait référence à un paravent dans la revue International Studio en décembre 1924, écrivant "vu d'une distance" il "luit d'une couleur riche et chaleureuse qui ne deviendra que plus intense avec le temps." (cf. Brandt, Master Ironworker, International Studio, 1924, p. 257) évoquant très certainement 'L'Oasis'.
Lors de l'Exposition Internationale de 1925, les oeuvres de Brandt figurent sur plusieurs stands, mais de façon récurrente, les critiques s'extasient principalement sur le paravent. L'Encyclopédie des Arts Décoratifs et Industriels Modernes au XXème siècle , publiée conjointement à l'exposition, vante l'oeuvre du maître ferronnier : "le talent de Brandt, l'imagination de son collaborateur Favier se manifestaient avec autant de variété que de force : leur oeuvre maîtresse, un grand paravent en tôle d'acier patinée, ouvrait à la ferronnerie une voie toute nouvelle." (Vol. 5, p. 35).
Guillaume Janneau évoque à nouveau le paravent, l'admirant une nouvelle fois lors de l'Exposition Internationale, le qualifiant "d'une oeuvre de toute beauté" ainsi que "d'un travail de tôlerie plutôt que de ferronnerie", félicitant Brandt pour son utilisation de la technologie moderne (cf. Guillaume Janneau, Le fer à l'Exposition Internationale des Arts Décoratifs Modernes, 1925, p. 3). La revue anglaise, Artwork, célèbre l'oeuvre de Brandt dans son ensemble, tout en remarquant que ses créations "démontrent l'incontestabilité de sa maîtrise dans le domaine de cet art délicat" et renvoie le lecteur à une illustration du paravent 'L'Oasis' (cf. Some notes on the Paris exhibition, oct.-dec. 1925, p. 57).
Les catalogues de la Galerie Brandt et de son antenne New-Yorkaise, Ferrobrandt, illustrent de même le paravent.
Le thème de la fontaine, illustré sur le panneau central, deviendra un thème fréquent dans l'oeuvre d'Edgar Brandt dès l'exposition de 1925. Il réalise notamment une paire de portes avec ce même motif pour le XVème Salon de la Société des Artistes Décorateurs. Un miroir exposé au sein de l'Hôtel du Collectionneur de Jacques-Emile Ruhlmann, lors de l'Exposition Internationale, présente également un décor intégrant une fontaine. Ce motif sera prisé par d'autres créateurs à cette même époque. René Lalique le décline dans son pavillon au cours de l'Exposition Internationale ainsi que sur le stand des parfums Caron au Grand Palais. Edouard Benedictus le met à l'honneur sur le papier peint qu'il utilise pour le stand de l'Ambassade de France. Le Pavillon de la Manufacture de Sèvres n'est pas en reste. Les deux urnes massives qui ornent l'entrée du Pavillon sont surmontées par des jets d'eau stylisés.
Mais le plus grand succès du paravent 'L'Oasis' réside peut-être dans le fait que son décor sera copié et diffusé à travers d'autres média en France et à l'étranger. Paul Follot s'en inspire dans son papier peint Leaves créé pour l'entreprise amiricaine F. Schumacher & Co. L'emballage du célèbre parfum L' Heure Bleue de Guerlain reprend le motif de la fontaine et du feuillage. Une copie du paravent est même utilisée sur la scène des Folies Bergères lors d'un spectacle en 1926 (cf. Joan Kahr, p. 146). Aux Etats-Unis ceux sont les fabricants de soie new-yorkais Cheney Brothers qui font appel à Edgar Brandt pour réaliser le siège de leur compagnie à Madison Belmont. Les portes d'entrée déclinent une fois encore le thème de la fontaine et des feuillages du paravent 'L'Oasis', ornements qui seront vite repris partout dans l'architecture Art Déco. Par ailleurs, la présence de Brandt à New York, entre 1925 et 1927 avec son showroom Ferrobrandt, contribue largement à la diffusion de son travail sur place.
Edgar Brandt reste le ferronnier le plus important de son époque. Son oeuvre a été tenue en haute estime de tout temps, de son vivant comme dans sa postérité. Aujourd'hui encore son paravent 'L'Oasis' demeure une célébration de la modernité, tant dans son exécution technique que dans son esthétique.
Sa réputation est d'autant plus grande qu'elle comporte une part de mystère. Sa trace est totalement perdue pendant soixante et un ans, entre 1925 et 1986, date à laquelle il est retrouvé dans un sous-sol d'Amérique du Sud. En juin 2000, Christie's organise sa réapparition publique en l'incluant dans la vente Masterworks, qui vise à célébrer les créations les plus emblématiques du XXème siècle.