Lot Essay
"Tout le monde connaît le charme de ces yeux orientaux dont l'éclat s'augmente de cette ligne noire due à l'emploi du khôl, en usage dans tout le Levant. Cette invention donne à l'oeil un attrait tout particulier, je ne sais quoi de léonin et d'un peu farouche qui anime ces jolies mines douces et régulières." Eugène Delacroix
De tous les cosmétiques employés par les femmes, le khôl est sans doute le plus ancien. Utilisé depuis l'Antiquité, sa première vertu est d'ordre médicinal et non ornemental. Poudre minérale communément à base d'antimoine, de soufre, de graisse animale et, selon les régions, d'huile d'olive, de musc ou encore de poudre de clous de girofles, il a d'abord pour effet de protéger les yeux des fortes réfractions solaires et des diverses infections dues à la poussière. C'est pourquoi il est d'usage que le khôl soit utilisé aussi bien par les femmes, les hommes que les enfants. La profondeur, ce "je ne sais quoi de léonin" qu'il offre au regard l'élèvent au rang de parure chez les pharaons et il devient ainsi un élément incontournable de la cosmétique, tant en Egypte, au Maghreb, en Perse qu'en Inde.
Charles Baudelaire fait l'Eloge du maquillage (Le peintre de la vie moderne, 1863), en ces termes: "La femme est bien dans son droit, et même elle accomplit une espèce de devoir en s'appliquant à paraître magique et surnaturelle; il faut qu'elle étonne, qu'elle charme; idole, elle doit se dorer pour être adorée. Elle doit donc emprunter à tous les arts les moyens de s'élever au-dessus de la nature pour mieux subjuguer les coeurs et frapper les esprits. Il importe fort peu que la ruse et l'artifice soient connus de tous, si le succès en est certain et l'effet toujours irrésistible". Si le résultat du maquillage doit être à la mesure de l'effort employé, le rituel lui-même est d'un intérêt tout particulier. Chaque jour, une femme se confronte à son double afin de déployer sa séduction à travers quelques gestes appris, répétés, savamment exécutés. Et c'est pourquoi il est aussi touchant d'observer ces deux fillettes tâchant de reproduire ces mêmes gestes, dans cette très belle composition d'Etienne Dinet.
Ce n'est pas la première fois que ce dernier s'amuse à saisir des enfants s'appliquant à répéter des attitudes d'adultes. La Coiffure (Fig. 1), qui date de la même période que Jeunes filles se maquillant, immortalise cette autre cérémonie quotidienne que tant de peintres ont aimé restranscrire. Et, à ces deux occasions, Dinet parvient à rendre l'enthousiasme enfantin que ces jeunes filles prennent à découvrir, apprivoiser leur féminité naissante. C'est peut-être pour cela qu'il s'applique à ne suggérer qu'à peine l'intérieur où elles se trouvent pour mettre en évidence leurs silhouettes, leurs habits, leurs bijoux, le teint charmant de leur peau. Il rompt en cela radicalement avec sa formation académique, délivrée entre autres par William Bouguereau, et diffuse dans le mouvement orientaliste, à sa propre manière, les nouvelles influences artistiques de la fin du XIXème siècle. Cette démarche n'échappe pas au jury international de l'Exposition Universelle de 1900, qui présente son oeuvre en ces termes: "Fromentin, Guillaumet lui-même, demeuraient plus ou moins volontairement fidèles aux habitudes d'école ou, du moins, au souvenir des maîtres. Dinet faisait un effort assidu pour se débarasser de toute obsession de cet ordre et pour pénétrer le mystère de cette humanité et de ce ciel, avec les yeux de la tête et les yeux de l'âme d'un voyant indigène. Il en arriva à entreprendre, de son côté, sur ce terrain neuf ou tout au moins mal exploré, les mêmes tentatives que poursuivaient les impressionnistes tant sur la nature que sur l'homme" (Rapports du Jury International, Paris, 1904, Tome I, p. 506-507).
De tous les cosmétiques employés par les femmes, le khôl est sans doute le plus ancien. Utilisé depuis l'Antiquité, sa première vertu est d'ordre médicinal et non ornemental. Poudre minérale communément à base d'antimoine, de soufre, de graisse animale et, selon les régions, d'huile d'olive, de musc ou encore de poudre de clous de girofles, il a d'abord pour effet de protéger les yeux des fortes réfractions solaires et des diverses infections dues à la poussière. C'est pourquoi il est d'usage que le khôl soit utilisé aussi bien par les femmes, les hommes que les enfants. La profondeur, ce "je ne sais quoi de léonin" qu'il offre au regard l'élèvent au rang de parure chez les pharaons et il devient ainsi un élément incontournable de la cosmétique, tant en Egypte, au Maghreb, en Perse qu'en Inde.
Charles Baudelaire fait l'Eloge du maquillage (Le peintre de la vie moderne, 1863), en ces termes: "La femme est bien dans son droit, et même elle accomplit une espèce de devoir en s'appliquant à paraître magique et surnaturelle; il faut qu'elle étonne, qu'elle charme; idole, elle doit se dorer pour être adorée. Elle doit donc emprunter à tous les arts les moyens de s'élever au-dessus de la nature pour mieux subjuguer les coeurs et frapper les esprits. Il importe fort peu que la ruse et l'artifice soient connus de tous, si le succès en est certain et l'effet toujours irrésistible". Si le résultat du maquillage doit être à la mesure de l'effort employé, le rituel lui-même est d'un intérêt tout particulier. Chaque jour, une femme se confronte à son double afin de déployer sa séduction à travers quelques gestes appris, répétés, savamment exécutés. Et c'est pourquoi il est aussi touchant d'observer ces deux fillettes tâchant de reproduire ces mêmes gestes, dans cette très belle composition d'Etienne Dinet.
Ce n'est pas la première fois que ce dernier s'amuse à saisir des enfants s'appliquant à répéter des attitudes d'adultes. La Coiffure (Fig. 1), qui date de la même période que Jeunes filles se maquillant, immortalise cette autre cérémonie quotidienne que tant de peintres ont aimé restranscrire. Et, à ces deux occasions, Dinet parvient à rendre l'enthousiasme enfantin que ces jeunes filles prennent à découvrir, apprivoiser leur féminité naissante. C'est peut-être pour cela qu'il s'applique à ne suggérer qu'à peine l'intérieur où elles se trouvent pour mettre en évidence leurs silhouettes, leurs habits, leurs bijoux, le teint charmant de leur peau. Il rompt en cela radicalement avec sa formation académique, délivrée entre autres par William Bouguereau, et diffuse dans le mouvement orientaliste, à sa propre manière, les nouvelles influences artistiques de la fin du XIXème siècle. Cette démarche n'échappe pas au jury international de l'Exposition Universelle de 1900, qui présente son oeuvre en ces termes: "Fromentin, Guillaumet lui-même, demeuraient plus ou moins volontairement fidèles aux habitudes d'école ou, du moins, au souvenir des maîtres. Dinet faisait un effort assidu pour se débarasser de toute obsession de cet ordre et pour pénétrer le mystère de cette humanité et de ce ciel, avec les yeux de la tête et les yeux de l'âme d'un voyant indigène. Il en arriva à entreprendre, de son côté, sur ce terrain neuf ou tout au moins mal exploré, les mêmes tentatives que poursuivaient les impressionnistes tant sur la nature que sur l'homme" (Rapports du Jury International, Paris, 1904, Tome I, p. 506-507).