JACQUES MAJORELLE (NANCY 1886 - 1962 PARIS)
No VAT will be charged on the hammer price, but VA… Read more
JACQUES MAJORELLE (NANCY 1886 - 1962 PARIS)

Les Allamattes

Details
JACQUES MAJORELLE (NANCY 1886 - 1962 PARIS)
Les Allamattes
signé et situé 'J. Majorelle Marrakech' (en bas à gauche)
Gouache rehaussée d'or et d'argent sur papier noir
83 x 96,5 cm. (32¾ x 38 in.)
Special notice
No VAT will be charged on the hammer price, but VAT payable at 19.6% (5.5% for books) will be added to the buyer’s premium which is invoiced on a VAT inclusive basis
Further details
THE ALLAMATTES, GOUACHE HEIGHTENED WITH GOLD AND SILVER ON BLACK PAPER, SIGNED AND LOCATED BY JACQUES MAJORELLE

Lot Essay

Dans ses numéros du 25 octobre et du 1er novembre 1930 (no. 4573 et 4574), L'Illustration fait référence à la visite officielle du président de la République Gaston Doumergue au Maroc. Après avoir visité Rabat, Fès et Casablanca, il est accueilli à Marrakech par le pacha Thami El Glaoui. A l'occasion de "la réception grandiose faite au chef de l'Etat par la ville de Marrakech [...], on remarquera", rapportera le journaliste présent lors des festivités, "les curieux mannequins qui émergent de la foule. C'était jadis la façon de faire figurer les femmes qui, enfermées dans le harem, n'avaient pas le droit de prendre part aux réjouissances publiques. Leur réclusion a cessé mais la tradition s'est conservée" (fig. 1).

Si cette disposition de mannequins de part et d'autre du cortège officiel a su éveiller l'intérêt du correspondant de L'Illustration, il n'en a pas pour autant tiré une juste interprétation. Ces poupées, ou Allamattes, formées à partir d'une grosse louche montée sur deux bûches disposées en croix et revêtues de tissus de couleurs vives, sont les symboles d'une coutume ancestrale, antérieure à l'islamisation du pays. Chaque corporation de la région de Marrakech, au passage d'une personnalité importante, était alors invitée par le pacha à se réunir aux portes de la ville afin d'honorer leur hôte. Les Allamattes tenaient lieu de mascotte et étaient revêtues de couleurs spécifiques, propres à chaque corporation. Plusieurs rites berbères sont à rapprocher des Allamattes, comme par exemple les Taghounja (fig. 2). Lorsque la pluie tarde à venir, les femmes confectionnent des mannequins et organisent une procession de ksar en ksar. Celle-ci est menée par les filles pubères, qui brandissent les Taghounja et chantent des psaumes en l'honneur de la pluie.

D'après Félix Marcilhac (La vie et l'oeuvre de Jacques Majorelle, Paris, 1995, p. 157), Jacques Majorelle découvre les Allamattes à l'occasion de la visite de Gaston Doumergue. Lorsque le journal de Casablanca La Vigie Marocaine lui commande quelques mois plus tard une grande peinture pour ses nouveaux locaux, c'est tout naturellement qu'il choisit de représenter cette tradition marrakchie (fig. 3). Envoyé également à Paris pour l'exposition coloniale internationale à la porte Dorée en 1931, il y sera longuement admiré par le maréchal Lyautey.

La version des Allamattes présentée ici est la seule répertoriée ayant été réalisée sur papier noir, support que Majorelle appréciait tout particulièrement dans les années 1930. En prenant le parti d'orner les mannequins des couleurs vives qui les caractérisent et de maintenir le reste de la composition dans un second plan, comme effacé dans des tons de marron et gris, un effet curieux se produit. Le regard est d'abord frappé par ces silhouettes fantomatiques, qui semblent flotter, comme suspendues par des fils invisibles. Puis, les ornements des vêtements apparaissent, l'oeil s'habitue à la crudité des couleurs et se promène sur le reste de la scène. Celle-ci se révèle alors d'une richesse inouïe: les hommes et les femmes qui attendent patiemment, bien que modestement vêtus, voient leurs contours habillés d'or et d'argent; eux-mêmes, qui semblent des apparitions savemment cachées derrière leurs habits, acquièrent une épaisseur, une profondeur, que les poupées qui sont sensées les représenter dans la foule n'ont pas. Le paysage de palmiers, comme étouffé dans le ciel cotonneux, vient clore cet aperçu et laisse planer une sensation de mystère, qui semble résider dans le regard fuyant des acteurs des Allamattes.

More from Tableaux Orientalistes et Art Moderne Arabe et Iranien

View All
View All