Lot Essay
Ce lot est très important et jusqu'à présent non répertorié. Toutes les pièces du service d'Isabella d'Este peuvent être attribuées au grand maître Nicola da Urbino lui-même, et la redécouverte de ce tondino augmente d'une manière importante son travail tout en étant un élément supplémentaire à un des plus importants services en majolique de la Renaissance.
Les armes peintes au centre du plat sont celles de la famille d'Este et de la famille de Gonzague, et plus particulièrement celles d'Isabella d'Este (1474-1539), marquise de Mantoue. Isabella épouse Francesco II (1484-1519), marquis de Mantoue, et après la mort de celui-ci en 1519 elle continue d'être un des mécènes les plus importants et influents en Italie pendant la Renaissance. Leur fille, Eleonora de Gonzague (1493-1550), épousera Francesco Maria della Rovere, duc de Urbino.
Nous connaissons, d'une manière quasi certaine, la date de fabrication du service et a peu près le nombre de pièces qui le composaient. Les chercheurs ont débattu longuement sur sa date de production, à savoir s'il avait été produit au moment du décès de Francesco II en 1519 ou plus tard. Il est maintenant avéré que ce service a été achevé et livré probablement en 1524 ; en effet, dans une lettre récemment découverte et publiée par Palvarini Gobio Casali en 1987, est mentionnée la livraison d'un service de majolique Isabella d'Este. Cette lettre rédigée par Eleonora, duchesse de Urbino, à sa mère le 15 novembre 1524 mentionne : " () Ho facto fare una credenza de vasi di terra, Quale la mando a v .Ex.tia per Batista mio Credentiero pnte exibitore, per havere li maestri de questo nostro paese qualque nome di lavorar bene () " (j'ai fait faire une credenza de vaisselle de terre cuite, et je l'envoie à Votre Exellence par Baptista mon intendant, le porteur de cette lettre, étant donné que les maîtres de notre pays ont une grande réputation pour ce travail). Eleonora suggère aussi que ce service serait tout à fait approprié pour la villa privée d'Isabella à Porto, que la marquise douairière utilisait comme lieu de retraite loin de la vie formelle de la cour de Mantoue.
Après le décès d'Isabella en 1539, la villa de Porto passe à sa belle-fille Margherita Paleologo, duchesse de Mantoue, même si un document mentionnant le service de majolique dans ses collections est toujours à découvrir. Il existe une mention dans les inventaires du Palais ducal de Mantoue, vers 1626-1627 d'un service de majolique comprenant vingt-quatre pièces : pezzi numero 24 di maiolica d'Urbino historiata con figure et propettive di diverse sorti (cf. Raffaella Morselli, Le collezioni Gonzaga. L'elenco dei beni del 1626-7, Milan et Mantoue, 2000, p. 406, n. 2772). Aucune mention n'est faite d'un décor armorié, mais si cette description fait référence au service d'Isabella, alors notre lot pourrait être une des deux pièces manquantes du service. Comme a pu le noter R. Liefkes (Ajmar Wollheim et Dennis, At Home in renaissance Italy, 2006, p. 258) dans les inventaires des productions domestiques à la Renaissance, les assiettes et les bols apparaissent normalement par multiples de six, il est donc très vraisemblable que le service d'Isabella ait été composé de vingt-quatre pièces (cf. T. Wilson et E. Sani, Le maioliche rinascimentali nelle collezioni della Fondazione Cassa di Risparmio di Perugia, Pérouge, 2007, Vol.II, p. 328, note 23).
Vingt-deux plats et assiettes de ce service sont à ce jour répertoriés, vingt se trouvent aujourd'hui dans différents musées (pour une liste complète, voir Dora Thornton et T. Wilson, Italian Renaissance ceramics ; a catalogue of the British Museum collection, Londres, 2009, Vol.I, p. 232). Seulement deux pièces sont en mains privées : un plat provenant de la collection du Docteur Giuseppe Caruso vendu par Sotheby's Londres le 20 mars 1973, lot 25 et un fragment de plat trouvé près d'une maison à Viadana en Italie (publié dans un article de Carmen Ravanelli, 'Un singolare ritrovamento : un piatto del servizio di Isabella d'Este-Gonzaga', T. Wilson ed., Italian Renaissance Pottery, Londres, 1991, pp. 13-23).
La dernière pièce manquante de ce service pourrait être une aiguière répertoriée dans les collections d'Alphonse de Rothschild et publiée au XIXème siècle, à ce jour non localisée. Les avis divergent quant à l'appartenance de cette aiguière au service ou pas ; si pour John Mallet elle n'en faisait pas partie (cf. 'Mantoua and Urbino : Gonzaga patronage of Maiolica', Apollo, 114, septembre 1981, p. 167), pour Timothy Wilson elle pourrait tout à fait en faire partie (committenza roveresca e commitenza delle botteghe maiolicarie del Ducato di Urbino nell'epoca roveresca, Dal Poggetto, 2004, p. 412).
Nous n'avons aucun renseignement quant à la localisation des pièces de ce service avant le XIXème siècle ni de la date de sa dispersion. La provenance de notre lot est malheureusement inconnue, et malgré des recherches faites dans le cadre de ventes de collections de majoliques aux XIXème et XXème siècle, nous n'avons pu le retrouver, ce qui explique probablement son absence dans les articles publiés par les chercheurs à ce sujet.
Toutes les pièces connues de ce service ont été attribuées à Nicola da Urbino plutôt qu'à son atelier, et notre "tondino" n'échappe pas à cette règle. Lorsque le service a été créé, Francesco Maria della Rovere, duc d'Urbino, vient seulement de retrouver son duché après la disparition du pape Léon X en 1521 ; cette commande a du être la plus prestigieuse passée à un atelier à Urbino depuis son retour. Nicola da Urbino s'est très probablement occupé lui-même de cette commande, pensant que ce serait en même temps une bonne publicité pour son atelier. Les scènes historiées représentées sur toutes les pièces sont toutes différentes et ne proviennent pas d'une même thématique, néanmoins il existe une certaine unité par l'utilisation des armoiries des familles d'Este et de Gonzague incorporant les "meubles" héraldiques personnels, ou impresse, d'Isabella (cf. M. Praz, 'the Gonzaga devices', Londres, Victoria and Albert Museum, 1981, pp.65-66). Notre petit plat présente quatre impresse : le premier est la devise "nec spe ne metu" (ni espoir, ni crainte) pour marquer l'indifférence quant aux changements apportés par l'argent ; le deuxième est un blason suspendu à une branche d'arbre présentant des billets de loterie enrubannés, une référence aux nombreuses méthodes employées par Isabella pour obtenir la paix de son âme (cf. M. Praz, op. cit., p.66) ; le troisième est un jeu de mot sur les chiffres romains XXVII, en effet pour le dialecte utilisé au nord de l'Italie, vinte sette (vingt-sept) signifierait "vous êtes vaincu" ou "vos factions sont vaincues" (cf. Mallet, op. cit., 1981, p.167) et prouve ainsi l'habilité d'Isabella à vaincre ses ennemis ; enfin la quatrième est une partition de musique située sous les armoiries, dont le sens est encore à découvrir.
Le thème "a istoriato" de notre plat est celui d'Hippomène et Atalante:
fils de Mégarée, roi d'Oncheste en Béotie, Hippomène défie à la course Atalante: s'il gagne il l'épouse, mais s'il perd, il devra mourir. Aidé par Aphrodite qui lui donne trois pommes, il parvient à dépasser la jeune femme qui les ramasse après qu'il les ait jetées pour la freiner, et gagne ainsi la course. Malheureusement, Hippomène oublie de remercier Aphrodite pour le présent des pommes, et pour se venger la déesse transforme les deux coureurs en lions qu'elle atèle ensuite à son char.
Les armes peintes au centre du plat sont celles de la famille d'Este et de la famille de Gonzague, et plus particulièrement celles d'Isabella d'Este (1474-1539), marquise de Mantoue. Isabella épouse Francesco II (1484-1519), marquis de Mantoue, et après la mort de celui-ci en 1519 elle continue d'être un des mécènes les plus importants et influents en Italie pendant la Renaissance. Leur fille, Eleonora de Gonzague (1493-1550), épousera Francesco Maria della Rovere, duc de Urbino.
Nous connaissons, d'une manière quasi certaine, la date de fabrication du service et a peu près le nombre de pièces qui le composaient. Les chercheurs ont débattu longuement sur sa date de production, à savoir s'il avait été produit au moment du décès de Francesco II en 1519 ou plus tard. Il est maintenant avéré que ce service a été achevé et livré probablement en 1524 ; en effet, dans une lettre récemment découverte et publiée par Palvarini Gobio Casali en 1987, est mentionnée la livraison d'un service de majolique Isabella d'Este. Cette lettre rédigée par Eleonora, duchesse de Urbino, à sa mère le 15 novembre 1524 mentionne : " () Ho facto fare una credenza de vasi di terra, Quale la mando a v .Ex.tia per Batista mio Credentiero pnte exibitore, per havere li maestri de questo nostro paese qualque nome di lavorar bene () " (j'ai fait faire une credenza de vaisselle de terre cuite, et je l'envoie à Votre Exellence par Baptista mon intendant, le porteur de cette lettre, étant donné que les maîtres de notre pays ont une grande réputation pour ce travail). Eleonora suggère aussi que ce service serait tout à fait approprié pour la villa privée d'Isabella à Porto, que la marquise douairière utilisait comme lieu de retraite loin de la vie formelle de la cour de Mantoue.
Après le décès d'Isabella en 1539, la villa de Porto passe à sa belle-fille Margherita Paleologo, duchesse de Mantoue, même si un document mentionnant le service de majolique dans ses collections est toujours à découvrir. Il existe une mention dans les inventaires du Palais ducal de Mantoue, vers 1626-1627 d'un service de majolique comprenant vingt-quatre pièces : pezzi numero 24 di maiolica d'Urbino historiata con figure et propettive di diverse sorti (cf. Raffaella Morselli, Le collezioni Gonzaga. L'elenco dei beni del 1626-7, Milan et Mantoue, 2000, p. 406, n. 2772). Aucune mention n'est faite d'un décor armorié, mais si cette description fait référence au service d'Isabella, alors notre lot pourrait être une des deux pièces manquantes du service. Comme a pu le noter R. Liefkes (Ajmar Wollheim et Dennis, At Home in renaissance Italy, 2006, p. 258) dans les inventaires des productions domestiques à la Renaissance, les assiettes et les bols apparaissent normalement par multiples de six, il est donc très vraisemblable que le service d'Isabella ait été composé de vingt-quatre pièces (cf. T. Wilson et E. Sani, Le maioliche rinascimentali nelle collezioni della Fondazione Cassa di Risparmio di Perugia, Pérouge, 2007, Vol.II, p. 328, note 23).
Vingt-deux plats et assiettes de ce service sont à ce jour répertoriés, vingt se trouvent aujourd'hui dans différents musées (pour une liste complète, voir Dora Thornton et T. Wilson, Italian Renaissance ceramics ; a catalogue of the British Museum collection, Londres, 2009, Vol.I, p. 232). Seulement deux pièces sont en mains privées : un plat provenant de la collection du Docteur Giuseppe Caruso vendu par Sotheby's Londres le 20 mars 1973, lot 25 et un fragment de plat trouvé près d'une maison à Viadana en Italie (publié dans un article de Carmen Ravanelli, 'Un singolare ritrovamento : un piatto del servizio di Isabella d'Este-Gonzaga', T. Wilson ed., Italian Renaissance Pottery, Londres, 1991, pp. 13-23).
La dernière pièce manquante de ce service pourrait être une aiguière répertoriée dans les collections d'Alphonse de Rothschild et publiée au XIXème siècle, à ce jour non localisée. Les avis divergent quant à l'appartenance de cette aiguière au service ou pas ; si pour John Mallet elle n'en faisait pas partie (cf. 'Mantoua and Urbino : Gonzaga patronage of Maiolica', Apollo, 114, septembre 1981, p. 167), pour Timothy Wilson elle pourrait tout à fait en faire partie (committenza roveresca e commitenza delle botteghe maiolicarie del Ducato di Urbino nell'epoca roveresca, Dal Poggetto, 2004, p. 412).
Nous n'avons aucun renseignement quant à la localisation des pièces de ce service avant le XIXème siècle ni de la date de sa dispersion. La provenance de notre lot est malheureusement inconnue, et malgré des recherches faites dans le cadre de ventes de collections de majoliques aux XIXème et XXème siècle, nous n'avons pu le retrouver, ce qui explique probablement son absence dans les articles publiés par les chercheurs à ce sujet.
Toutes les pièces connues de ce service ont été attribuées à Nicola da Urbino plutôt qu'à son atelier, et notre "tondino" n'échappe pas à cette règle. Lorsque le service a été créé, Francesco Maria della Rovere, duc d'Urbino, vient seulement de retrouver son duché après la disparition du pape Léon X en 1521 ; cette commande a du être la plus prestigieuse passée à un atelier à Urbino depuis son retour. Nicola da Urbino s'est très probablement occupé lui-même de cette commande, pensant que ce serait en même temps une bonne publicité pour son atelier. Les scènes historiées représentées sur toutes les pièces sont toutes différentes et ne proviennent pas d'une même thématique, néanmoins il existe une certaine unité par l'utilisation des armoiries des familles d'Este et de Gonzague incorporant les "meubles" héraldiques personnels, ou impresse, d'Isabella (cf. M. Praz, 'the Gonzaga devices', Londres, Victoria and Albert Museum, 1981, pp.65-66). Notre petit plat présente quatre impresse : le premier est la devise "nec spe ne metu" (ni espoir, ni crainte) pour marquer l'indifférence quant aux changements apportés par l'argent ; le deuxième est un blason suspendu à une branche d'arbre présentant des billets de loterie enrubannés, une référence aux nombreuses méthodes employées par Isabella pour obtenir la paix de son âme (cf. M. Praz, op. cit., p.66) ; le troisième est un jeu de mot sur les chiffres romains XXVII, en effet pour le dialecte utilisé au nord de l'Italie, vinte sette (vingt-sept) signifierait "vous êtes vaincu" ou "vos factions sont vaincues" (cf. Mallet, op. cit., 1981, p.167) et prouve ainsi l'habilité d'Isabella à vaincre ses ennemis ; enfin la quatrième est une partition de musique située sous les armoiries, dont le sens est encore à découvrir.
Le thème "a istoriato" de notre plat est celui d'Hippomène et Atalante:
fils de Mégarée, roi d'Oncheste en Béotie, Hippomène défie à la course Atalante: s'il gagne il l'épouse, mais s'il perd, il devra mourir. Aidé par Aphrodite qui lui donne trois pommes, il parvient à dépasser la jeune femme qui les ramasse après qu'il les ait jetées pour la freiner, et gagne ainsi la course. Malheureusement, Hippomène oublie de remercier Aphrodite pour le présent des pommes, et pour se venger la déesse transforme les deux coureurs en lions qu'elle atèle ensuite à son char.