Lot Essay
Inédit, merveilleusement préservé, le tableau est une redécouverte majeure au sein du corpus des tableaux d’Edgar Maxence dont l’œuvre, en cours de réhabilitation, ne cesse de séduire. L’exposition monographique qui lui a rendu hommage dans sa ville natale de Nantes en 2010 a replacé cet artiste sensible, au sein du mouvement symboliste, qu’il semble clore avec élégance et délicatesse.
Dans un espace mystérieux et indéfini, tourbillonnant de mousses et de cristaux, une jeune femme à la peau diaphane et aux légers cils blonds, absorbée dans sa litanie, les yeux mi-clos et la bouche délicatement entr’ouverte, joue d’une lyre d’où semble jaillir un torrent. A ses côtés deux autres femmes semblent surgir attirées par la musique. C’est la scène mystérieuse que Maxence, habitué aux sujets énigmatiques, offre à la vue du spectateur.
Disparue depuis sa présentation au Salon des artistes français de 1899, l’œuvre avait perdu jusqu’à son sujet, qui prêtait à confusion jusqu’à la comparaison du tableau avec la photographie du catalogue de l’exposition. Par ailleurs Paul Desjardins, dans sa critique de cette même exposition publiée dans la Gazette des Beaux-Arts, décrivait avec précision le tableau, ce qui permet de l’identifier en toute certitude avec le numéro 1367 du catalogue, intitulé L’Âme de la Source :
« Cet élégant artiste a sous-entendu justement la source ; il n’en a voulu montrer que « l’âme », c’est-à-dire quelques figures emblématiques, dont la physionomie et les attributs suggèrent autant que possible l’idée du paysage absent. C’est une gageure. Par son coloris subtil, M. Maxence l’a gagnée. J’aperçois, dans une rosellerie confuse, une svelte jeune femme, à mi-corps, de face, les yeux baissés ; sur sa tête, ses cheveux bouclent comme des copeaux d’or pâle, mais paraissent frémir et se tortiller ainsi que de jeunes couleuvres au front d’une Tisiphone ; le contour du visage, le nez, les lèvres entr’ouvertes sont d’une fine nervosité de lignes ; l’attache des épaules est ferme ; les clavicules sont indiquées ; le bras et la main se tendent jusqu’à la pointe des doigts pour pincer des cordes de lyre ; une étoffe précieuse est enroulée autour du torse souple (…). Puis surviennent, parmi les roseaux enchevêtrés, deux autres femmes curieuses, l’une plus épaisse, d’un teint brunissant, une orchidée mauve piquée dans sa chevelure sombre ; la seconde, a demi cachée, le front levé, ses yeux bleu pervenche agrandis par l’attention et l’émoi. Ni l’une ni l’autre de ces trois belles femmes n’est mystérieuse ; ce sont trois portraits modernes, d’un crayon précis. Où donc gît la puissance de symbole ? Qu’est-ce dont qui évoque ici la Source dont l’artiste nous parle ? Le coloris simplement, par frottis léger, tout clair, sans ombre, mais sans lumière vive, d’une tonalité générale d’argent et de perle ; point de surface teintées de quelque étendue, mais une multiplicité de traits minces qui font songer aux rayures d’une petite pluie printanière ; enfin la pâle pythonisse pleure une larme de cristal, et sa lyre à peine visible est aussi de cristal ; ce sont les pleurs de la Source… Je crois donc que, cette fois, M. Maxence a réussi dans son entreprise. »
Desjardins a parfaitement saisi l’art délicat de Maxence : il s’agit d’une évocation, plus proche de l’allégorie que d’une quelconque volonté descriptive. Aucun souci de réalisme, aucun paysage détaillé et précis. Au contraire : dans un cadrage réduit, volontairement resserré autour de la figure principale et de sa lyre d’où jaillit une eau verte et limpide, Maxence concentre de simples éléments qui environnent les trois personnages : des cristaux transparents, la mousse verte qui pend des parois d’une grotte aussi bien que de l’instrument de musique.
La palette délibérément restreinte à des tonalités claires et fraîches, renforcé par l’usage délicat de la tempera à laquelle vient se mêler des rehauts d’or, la négation de l’espace et le traitement par aplat de l’ensemble renforcent le caractère d’enluminure précieuse de l’œuvre et rappelle, par son volontaire primitivisme, l’art des Préraphaélites.
Le tableau, aussi bien par son titre que par son sujet, fait écho à une autre œuvre de l’artiste, exécutée un an auparavant et présentée au Salon de 1898, L’Âme de la Forêt (Nantes, musée des Beaux-Arts ; inv 1101 ; ill. 1). A la suite de ce premier tableau, Maxence décida de continuer une brève série sur le thème de l’âme, peignant en 1899 la présente œuvre, puis, en 1905, L’Âme du glacier (ill. 2).
Dans un espace mystérieux et indéfini, tourbillonnant de mousses et de cristaux, une jeune femme à la peau diaphane et aux légers cils blonds, absorbée dans sa litanie, les yeux mi-clos et la bouche délicatement entr’ouverte, joue d’une lyre d’où semble jaillir un torrent. A ses côtés deux autres femmes semblent surgir attirées par la musique. C’est la scène mystérieuse que Maxence, habitué aux sujets énigmatiques, offre à la vue du spectateur.
Disparue depuis sa présentation au Salon des artistes français de 1899, l’œuvre avait perdu jusqu’à son sujet, qui prêtait à confusion jusqu’à la comparaison du tableau avec la photographie du catalogue de l’exposition. Par ailleurs Paul Desjardins, dans sa critique de cette même exposition publiée dans la Gazette des Beaux-Arts, décrivait avec précision le tableau, ce qui permet de l’identifier en toute certitude avec le numéro 1367 du catalogue, intitulé L’Âme de la Source :
« Cet élégant artiste a sous-entendu justement la source ; il n’en a voulu montrer que « l’âme », c’est-à-dire quelques figures emblématiques, dont la physionomie et les attributs suggèrent autant que possible l’idée du paysage absent. C’est une gageure. Par son coloris subtil, M. Maxence l’a gagnée. J’aperçois, dans une rosellerie confuse, une svelte jeune femme, à mi-corps, de face, les yeux baissés ; sur sa tête, ses cheveux bouclent comme des copeaux d’or pâle, mais paraissent frémir et se tortiller ainsi que de jeunes couleuvres au front d’une Tisiphone ; le contour du visage, le nez, les lèvres entr’ouvertes sont d’une fine nervosité de lignes ; l’attache des épaules est ferme ; les clavicules sont indiquées ; le bras et la main se tendent jusqu’à la pointe des doigts pour pincer des cordes de lyre ; une étoffe précieuse est enroulée autour du torse souple (…). Puis surviennent, parmi les roseaux enchevêtrés, deux autres femmes curieuses, l’une plus épaisse, d’un teint brunissant, une orchidée mauve piquée dans sa chevelure sombre ; la seconde, a demi cachée, le front levé, ses yeux bleu pervenche agrandis par l’attention et l’émoi. Ni l’une ni l’autre de ces trois belles femmes n’est mystérieuse ; ce sont trois portraits modernes, d’un crayon précis. Où donc gît la puissance de symbole ? Qu’est-ce dont qui évoque ici la Source dont l’artiste nous parle ? Le coloris simplement, par frottis léger, tout clair, sans ombre, mais sans lumière vive, d’une tonalité générale d’argent et de perle ; point de surface teintées de quelque étendue, mais une multiplicité de traits minces qui font songer aux rayures d’une petite pluie printanière ; enfin la pâle pythonisse pleure une larme de cristal, et sa lyre à peine visible est aussi de cristal ; ce sont les pleurs de la Source… Je crois donc que, cette fois, M. Maxence a réussi dans son entreprise. »
Desjardins a parfaitement saisi l’art délicat de Maxence : il s’agit d’une évocation, plus proche de l’allégorie que d’une quelconque volonté descriptive. Aucun souci de réalisme, aucun paysage détaillé et précis. Au contraire : dans un cadrage réduit, volontairement resserré autour de la figure principale et de sa lyre d’où jaillit une eau verte et limpide, Maxence concentre de simples éléments qui environnent les trois personnages : des cristaux transparents, la mousse verte qui pend des parois d’une grotte aussi bien que de l’instrument de musique.
La palette délibérément restreinte à des tonalités claires et fraîches, renforcé par l’usage délicat de la tempera à laquelle vient se mêler des rehauts d’or, la négation de l’espace et le traitement par aplat de l’ensemble renforcent le caractère d’enluminure précieuse de l’œuvre et rappelle, par son volontaire primitivisme, l’art des Préraphaélites.
Le tableau, aussi bien par son titre que par son sujet, fait écho à une autre œuvre de l’artiste, exécutée un an auparavant et présentée au Salon de 1898, L’Âme de la Forêt (Nantes, musée des Beaux-Arts ; inv 1101 ; ill. 1). A la suite de ce premier tableau, Maxence décida de continuer une brève série sur le thème de l’âme, peignant en 1899 la présente œuvre, puis, en 1905, L’Âme du glacier (ill. 2).