Lot Essay
Dans notre monde moderne, où les images se multiplient, se diffusent, se succèdent plus rapidement et plus largement chaque jour, certaines d’entre elles deviennent comme des étendards, des icônes, symboles de périodes, d’événements, d’époques. La puissance, le charisme de ces images marquent immédiatement notre inconscient collectif et se révèlent universelles, comprises de tous, pour tous. Au même titre que la Joconde pour la Renaissance, le Radeau de la Méduse pour le Romantisme, le tableau que nous présentons est une icône du XVIIIème siècle français et évoque immédiatement Le Grand Siècle de Louis XIV et l’art du portrait, à son apogée, à l’extrême fin du XVIIème siècle et du début du XVIIIème siècle.
Cette œuvre également connue sous le nom fameux de “La Belle Strasbourgeoise” est sans conteste l’oeuvre la plus célèbre de l’un des plus grands maîtres du genre en Europe : Nicolas de Largillerre. On doit sa renommée à une autre version, conservée dans les collections du Musée des Beaux-Arts de Strasbourg depuis son acquisition en 1963 sur le marché de l’art anglais. Par la force de son image, “La Belle Strasbourgeoise” est l’un des portraits français les plus diffusés dans le monde, assurant ainsi sa notoriété et son aura.
Le tableau que nous présentons était également connu de longues dates par les historiens d’art et les biographes de Nicolas de Largillierre. Caché dans l’intimité de différentes collections privées prestigieuses dont celle du Commandant Weiller, notre œuvre n’a jamais été présentée en vente publique et sa réapparition est un événement en soi. Il s’agit d’une autre version pleinement autographe, signée (signature anciennement visible au revers de la toile d’origine : Peint par N. de Largillierre). Elle est étrangement similaire à la version de Strasbourg mais elle diffère également en quelques points d’importance significative.
La première variante est la balustrade installée derrière le modèle de la version Weiller, tant à droite qu’à gauche. L’horizontalité de ce parapet vient structurer l’espace et répond à la ligne directrice donnée par la base du chapeau. L’espace est ainsi construit, structuré en trois parties égales. La deuxième est liée au fond de paysage et à la végétation légèrement différente. On retrouve dans notre version la présence, très probablement signifiante, d’un oranger sur la droite de la composition ainsi qu’un rosier sur la gauche. Ces deux éléments ne figurant pas sur la version de Strasbourg.
Ainsi, les deux œuvres sont bien étrangement similaires mais également différentes. L’une plus classique, plus sobre : le tableau de Strasbourg ; la seconde plus complète, plus détaillée, plus baroque : la version Weiller que nous présentons. C’est précisément en analysant ces différences que les historiens vont tenter de percer le mystère et de répondre à l’interrogation suivante :
Mais qui est donc La Belle Strasbourgeoise ?
Rien n’est moins sûr que cette « Belle Strasbourgeoise » soit effectivement Strasbourgeoise !
Rien ne le prouve même si tout le laisse à penser. Le costume est, de toute évidence, une des grandes singularités de cette œuvre. Il s’agit d’un vêtement folklorique, celui du citoyen de la cité de Strasbourg appartenant à la classe aristocratique. Il est assez longuement décrit dans certains passages de l’Histoire de Louis XIV de Paul Pelisson, relatant le déplacement du Roi à Strasbourg en 1673 :
“ Ces chapeaux extrêmement forts retroussés et aplatis sur le devant et sur le derrière de la tête, mais faisant des cornes ou deux becs sur les tempes “
Cette mode folklorique a trouvé son épanouissement esthétique entre 1688 et 1730 et a connu sous Louis XIV son plus somptueux essor (avec notamment l’apport de broderies élaborées) et, à Paul Pelisson de rajouter des Dames de cour “… en envoyèrent quérir de cette sorte à Strasbourg”. Ainsi, de folklorique, ce costume devint assez vite à l’époque un travestissement à la mode. Comme aucun document n’atteste avec certitude de l’identité du modèle, il peut tout à fait s’agir d’une Strasbourgeoise de passage à Paris et en représentation “diplomatique” ou bien même, d’une Parisienne suivant la mode de son temps, en portant le distingué costume. Pour Georges de Lastic, en 1982, un détail, présent uniquement sur notre tableau vient étayer une hypothèse intéressante permettant une possible identification. La présence de l’oranger est nécessairement liée à une commande relative à un mariage. De plus, la date de 1703 correspondant précisément au mariage de la fille de Nicolas de Largillierre, Marie Elisabeth qui épousa le 19 novembre Michel-Nicolas Houzé, seigneur de Benicourt, capitaine d’une compagnie détachée de l’hôtel Royal des Invalides.
Ainsi pour Georges de Lastic, La Belle Strasbourgeoise serait la propre fille de l’artiste. La version Weiller serait donc la première version autographe ; la version de Strasbourg légèrement postérieure et, datée 1703.
Hypothèse et coïncidence étonnante mais sans preuve tangible, pour l’heure, la Belle conserve tous ses mystères.
Nicolas de Largillierre compte parmi les plus grands peintres du XVIIIème siècle en France. Essentiellement portraitiste mais pas uniquement, il brillera aussi dans le genre de la nature morte et de la peinture d’histoire. Il va libérer l’art du portrait en France, oser les couleurs les plus vives, les mouvements. Il va révéler les personnalités de ses modèles par la vigueur de sa facture picturale et l’inventivité de ses compositions. Sa formation à la fois en Angleterre (trois passages à Londres) et en Flandres (à Anvers) lui apportera la culture, l’ouverture d’esprit nécessaire à l’essor de son talent qui sera, sans tarder, reconnu par les plus grands de son temps. Peintre de l’aristocratie parisienne, généreux et sensible, les factures de ses œuvres, vives, délicates et novatrices savent séduire un public large.
La Belle Strasbourgeoise est une œuvre d’une grande force et d’une réelle délicatesse. Elle est une œuvre noble par le charisme de son modèle portant tous les attributs officiels de la Strasbourgeoise. Mais elle est également une œuvre intime de par le mystère qui émane de son image, la douceur et l’intensité de son regard.
La Belle Strasbourgeoise est un étendard, un symbole, à la fois aristocratique et populaire. Elle est une parfaite image française, presque solennelle du XVIIIème siècle naissant, libre, élégante et féminine.
Cette œuvre également connue sous le nom fameux de “La Belle Strasbourgeoise” est sans conteste l’oeuvre la plus célèbre de l’un des plus grands maîtres du genre en Europe : Nicolas de Largillerre. On doit sa renommée à une autre version, conservée dans les collections du Musée des Beaux-Arts de Strasbourg depuis son acquisition en 1963 sur le marché de l’art anglais. Par la force de son image, “La Belle Strasbourgeoise” est l’un des portraits français les plus diffusés dans le monde, assurant ainsi sa notoriété et son aura.
Le tableau que nous présentons était également connu de longues dates par les historiens d’art et les biographes de Nicolas de Largillierre. Caché dans l’intimité de différentes collections privées prestigieuses dont celle du Commandant Weiller, notre œuvre n’a jamais été présentée en vente publique et sa réapparition est un événement en soi. Il s’agit d’une autre version pleinement autographe, signée (signature anciennement visible au revers de la toile d’origine : Peint par N. de Largillierre). Elle est étrangement similaire à la version de Strasbourg mais elle diffère également en quelques points d’importance significative.
La première variante est la balustrade installée derrière le modèle de la version Weiller, tant à droite qu’à gauche. L’horizontalité de ce parapet vient structurer l’espace et répond à la ligne directrice donnée par la base du chapeau. L’espace est ainsi construit, structuré en trois parties égales. La deuxième est liée au fond de paysage et à la végétation légèrement différente. On retrouve dans notre version la présence, très probablement signifiante, d’un oranger sur la droite de la composition ainsi qu’un rosier sur la gauche. Ces deux éléments ne figurant pas sur la version de Strasbourg.
Ainsi, les deux œuvres sont bien étrangement similaires mais également différentes. L’une plus classique, plus sobre : le tableau de Strasbourg ; la seconde plus complète, plus détaillée, plus baroque : la version Weiller que nous présentons. C’est précisément en analysant ces différences que les historiens vont tenter de percer le mystère et de répondre à l’interrogation suivante :
Mais qui est donc La Belle Strasbourgeoise ?
Rien n’est moins sûr que cette « Belle Strasbourgeoise » soit effectivement Strasbourgeoise !
Rien ne le prouve même si tout le laisse à penser. Le costume est, de toute évidence, une des grandes singularités de cette œuvre. Il s’agit d’un vêtement folklorique, celui du citoyen de la cité de Strasbourg appartenant à la classe aristocratique. Il est assez longuement décrit dans certains passages de l’Histoire de Louis XIV de Paul Pelisson, relatant le déplacement du Roi à Strasbourg en 1673 :
“ Ces chapeaux extrêmement forts retroussés et aplatis sur le devant et sur le derrière de la tête, mais faisant des cornes ou deux becs sur les tempes “
Cette mode folklorique a trouvé son épanouissement esthétique entre 1688 et 1730 et a connu sous Louis XIV son plus somptueux essor (avec notamment l’apport de broderies élaborées) et, à Paul Pelisson de rajouter des Dames de cour “… en envoyèrent quérir de cette sorte à Strasbourg”. Ainsi, de folklorique, ce costume devint assez vite à l’époque un travestissement à la mode. Comme aucun document n’atteste avec certitude de l’identité du modèle, il peut tout à fait s’agir d’une Strasbourgeoise de passage à Paris et en représentation “diplomatique” ou bien même, d’une Parisienne suivant la mode de son temps, en portant le distingué costume. Pour Georges de Lastic, en 1982, un détail, présent uniquement sur notre tableau vient étayer une hypothèse intéressante permettant une possible identification. La présence de l’oranger est nécessairement liée à une commande relative à un mariage. De plus, la date de 1703 correspondant précisément au mariage de la fille de Nicolas de Largillierre, Marie Elisabeth qui épousa le 19 novembre Michel-Nicolas Houzé, seigneur de Benicourt, capitaine d’une compagnie détachée de l’hôtel Royal des Invalides.
Ainsi pour Georges de Lastic, La Belle Strasbourgeoise serait la propre fille de l’artiste. La version Weiller serait donc la première version autographe ; la version de Strasbourg légèrement postérieure et, datée 1703.
Hypothèse et coïncidence étonnante mais sans preuve tangible, pour l’heure, la Belle conserve tous ses mystères.
Nicolas de Largillierre compte parmi les plus grands peintres du XVIIIème siècle en France. Essentiellement portraitiste mais pas uniquement, il brillera aussi dans le genre de la nature morte et de la peinture d’histoire. Il va libérer l’art du portrait en France, oser les couleurs les plus vives, les mouvements. Il va révéler les personnalités de ses modèles par la vigueur de sa facture picturale et l’inventivité de ses compositions. Sa formation à la fois en Angleterre (trois passages à Londres) et en Flandres (à Anvers) lui apportera la culture, l’ouverture d’esprit nécessaire à l’essor de son talent qui sera, sans tarder, reconnu par les plus grands de son temps. Peintre de l’aristocratie parisienne, généreux et sensible, les factures de ses œuvres, vives, délicates et novatrices savent séduire un public large.
La Belle Strasbourgeoise est une œuvre d’une grande force et d’une réelle délicatesse. Elle est une œuvre noble par le charisme de son modèle portant tous les attributs officiels de la Strasbourgeoise. Mais elle est également une œuvre intime de par le mystère qui émane de son image, la douceur et l’intensité de son regard.
La Belle Strasbourgeoise est un étendard, un symbole, à la fois aristocratique et populaire. Elle est une parfaite image française, presque solennelle du XVIIIème siècle naissant, libre, élégante et féminine.