Lot Essay
APHRODITE BAOULÉ
par Bertrand Goy
André Blandin, le découvreur de cette statue, avait pour mission de gérer le programme alimentaire destiné aux populations concernées par l’aménagement de la vallée du fleuve Bandama, au cœur même du pays baoulé. Au contact permanent des villageois dont il avait la charge, il put développer ses connaissances de leur culture matérielle, combler son goût pour leur sculpture, et affiner son discernement comme en témoigne le choix de cette émouvante statuette féminine. A la vue de son beau visage énigmatique dont la bouche mutine contredit la timidité des yeux modestement baissés, on s’interroge sur l’usage de cette effigie. Occupa-t-elle la fonction d’Asie usu ?
Nul doute que son charme aurait pu satisfaire le plus exigeant des inquiétants génies rôdant alentour auquel ce type d’hommage déférent était réservé ? Fut-elle plutôt blolo bla, image de l’épouse de l’au-delà qui, depuis le royaume des ancêtres, veille sur le mortel que les dieux lui ont assigné ? La riche patine croûteuse et luisante couvrant la tête et le corps de cette statue atteste des soins dont elle bénéficia. On imagine l’attraction mêlée de crainte que devait ressentir pour l’entité qu’elle représente, à la fois tutélaire et exigeante, le partenaire attentionné qui, dans un huis-clos nocturne, prodiguait à son incarnation caresses et onctions. Sa taille exceptionnelle, le soin mis par son auteur à figurer le moindre détail et la présence de pépites d’or incrustées dans son front laissent penser que cette sculpture servit un dessein hors du commun, quelle qu’en fût la nature. Coiffure impeccablement tressée, torse bien droit, épaules rejetées en arrière et genoux légèrement fléchis, elle respecte tous les canons d’un des styles baoulé les plus classiques et les plus esthétiques. Cette vision sublimée de l’humain contraste avec les nombreuses représentations plus conformes à la morphologie ramassée courante chez les Baoulé. Le cou de cygne de la belle accentue l’impression de fragilité et d’élégance émanant de sa silhouette élancée et de son corps gracile. Parmi les traditionnelles décorations corporelles qui parsèment le corps, une mystérieuse chéloïde rappelant la constante d’Archimède orne les reins dont la chute aussi ferme et galbée que l’est la poitrine témoigne de la virtuosité du sculpteur à conjuguer jeunesse et beauté.
BAULE APHRODITE
by Bertrand Goy
André Blandin, who discovered this statue, was responsible for managing the food programme for the populations affected by the development of the Bandama river valley, at the very heart of Baule country. As he was in constant contact with the villagers for whom he was responsible, he was able to develop his knowledge of their material culture, satisfy his taste for their sculpture, and refine his judgement, as demonstrated by his choice of this moving female statuette. When one looks at the beautiful, enigmatic face of this effigy, with its mischievous mouth contradicting the timidity of the modestly lowered eyes, one wonders what it was used for. Was its function as an Asie usu?
No doubt that its charm could have satisfied the most demanding of worrying spirits loitering about for which this type of deferential homage was reserved? Or was it in fact blolo bla, the image of the spirit wife who watches over the mortal assigned to her by the gods from the kingdom of the ancestors? The rich, crusty and also shiny patina covering the head and body of this statue is testament to the care it received. One can imagine the attraction mixed with fear that the attentive partner must have felt for the entity that it represented, as he lavished the statue that embodied her with caresses and anointing. Its exceptional size, the care taken by the artist to include the most minute detail, and the presence of gold nuggets in its forehead lead to the conclusion that this sculpture was intended for something extraordinary, whatever that may have been. With impeccably styled hair, a completely straight torso, the shoulders thrown back and the knees slightly bent, it fulfils all the canons of one of the most classic and most aesthetically pleasing Baule styles. This sublime vision of a human being contrasts with the numerous portrayals that conform more closely to the stocky morphology that is common among the Baule people. The swan's neck of this beauty accentuates the impression of fragility and elegance emanating from its elongated figure and its slender body. The traditional decorations scattered over the body include a mysterious keloid reminiscent of the Archimedes constant adorning the lower back. The breasts are both firm and shapely, demonstrating the virtuosity of the sculptor in combining youth with beauty.
par Bertrand Goy
André Blandin, le découvreur de cette statue, avait pour mission de gérer le programme alimentaire destiné aux populations concernées par l’aménagement de la vallée du fleuve Bandama, au cœur même du pays baoulé. Au contact permanent des villageois dont il avait la charge, il put développer ses connaissances de leur culture matérielle, combler son goût pour leur sculpture, et affiner son discernement comme en témoigne le choix de cette émouvante statuette féminine. A la vue de son beau visage énigmatique dont la bouche mutine contredit la timidité des yeux modestement baissés, on s’interroge sur l’usage de cette effigie. Occupa-t-elle la fonction d’Asie usu ?
Nul doute que son charme aurait pu satisfaire le plus exigeant des inquiétants génies rôdant alentour auquel ce type d’hommage déférent était réservé ? Fut-elle plutôt blolo bla, image de l’épouse de l’au-delà qui, depuis le royaume des ancêtres, veille sur le mortel que les dieux lui ont assigné ? La riche patine croûteuse et luisante couvrant la tête et le corps de cette statue atteste des soins dont elle bénéficia. On imagine l’attraction mêlée de crainte que devait ressentir pour l’entité qu’elle représente, à la fois tutélaire et exigeante, le partenaire attentionné qui, dans un huis-clos nocturne, prodiguait à son incarnation caresses et onctions. Sa taille exceptionnelle, le soin mis par son auteur à figurer le moindre détail et la présence de pépites d’or incrustées dans son front laissent penser que cette sculpture servit un dessein hors du commun, quelle qu’en fût la nature. Coiffure impeccablement tressée, torse bien droit, épaules rejetées en arrière et genoux légèrement fléchis, elle respecte tous les canons d’un des styles baoulé les plus classiques et les plus esthétiques. Cette vision sublimée de l’humain contraste avec les nombreuses représentations plus conformes à la morphologie ramassée courante chez les Baoulé. Le cou de cygne de la belle accentue l’impression de fragilité et d’élégance émanant de sa silhouette élancée et de son corps gracile. Parmi les traditionnelles décorations corporelles qui parsèment le corps, une mystérieuse chéloïde rappelant la constante d’Archimède orne les reins dont la chute aussi ferme et galbée que l’est la poitrine témoigne de la virtuosité du sculpteur à conjuguer jeunesse et beauté.
BAULE APHRODITE
by Bertrand Goy
André Blandin, who discovered this statue, was responsible for managing the food programme for the populations affected by the development of the Bandama river valley, at the very heart of Baule country. As he was in constant contact with the villagers for whom he was responsible, he was able to develop his knowledge of their material culture, satisfy his taste for their sculpture, and refine his judgement, as demonstrated by his choice of this moving female statuette. When one looks at the beautiful, enigmatic face of this effigy, with its mischievous mouth contradicting the timidity of the modestly lowered eyes, one wonders what it was used for. Was its function as an Asie usu?
No doubt that its charm could have satisfied the most demanding of worrying spirits loitering about for which this type of deferential homage was reserved? Or was it in fact blolo bla, the image of the spirit wife who watches over the mortal assigned to her by the gods from the kingdom of the ancestors? The rich, crusty and also shiny patina covering the head and body of this statue is testament to the care it received. One can imagine the attraction mixed with fear that the attentive partner must have felt for the entity that it represented, as he lavished the statue that embodied her with caresses and anointing. Its exceptional size, the care taken by the artist to include the most minute detail, and the presence of gold nuggets in its forehead lead to the conclusion that this sculpture was intended for something extraordinary, whatever that may have been. With impeccably styled hair, a completely straight torso, the shoulders thrown back and the knees slightly bent, it fulfils all the canons of one of the most classic and most aesthetically pleasing Baule styles. This sublime vision of a human being contrasts with the numerous portrayals that conform more closely to the stocky morphology that is common among the Baule people. The swan's neck of this beauty accentuates the impression of fragility and elegance emanating from its elongated figure and its slender body. The traditional decorations scattered over the body include a mysterious keloid reminiscent of the Archimedes constant adorning the lower back. The breasts are both firm and shapely, demonstrating the virtuosity of the sculptor in combining youth with beauty.