JACQUES-LOUIS DAVID (PARIS 1748-1825 BRUXELLES) ET ATELIER
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UN MOMENT DE L’HISTOIRE
JACQUES-LOUIS DAVID (PARIS 1748-1825 BRUXELLES) ET ATELIER

Etude pour le Serment du Jeu de Paume

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JACQUES-LOUIS DAVID (PARIS 1748-1825 BRUXELLES) ET ATELIER
Etude pour le Serment du Jeu de Paume
graphite, plume et encre noire et brune, filigrane 'D&C BLAUW/ IV' et sa contre marque blason surmonté d'une fleur de lys
50,5 x 77 cm (19 7/8 x 3/8 in.)
Provenance
Baron Dominique Vivant Denon (1747-1825), Paris, sa marque de collection (Lugt 779); possiblement sa vente après-décès, Paris, Hôtel Drouot, 1er mai 1826, lot 856 'Croquis au crayon et au lavis, pour diverses figures du serment du jeu de paumeCroquis au crayon et au lavis, pour diverses figures du serment du jeu de paume' ou lot 857 'autres croquis à la plume et au lavis, pour le même sujet'.
Collection particulière, France.
Further details
AN UNPUBLISHED AND IMPORTANT STUDY FOR THE OATH OF THE TENNIS COURT, BY JACQUES-LOUIS DAVID AND WORKSHOP, GRAPHITE, PEN AND BROWN AND BLACK INK, WATERMARK

Lot Essay

Le Serment du Jeu de Paume : genèse d’un tableau inachevé
D’un large format, la présente étude est à mettre en relation avec la célèbre composition révolutionnaire de Jacques-Louis David, le Serment du Jeu de Paume. Le 5 mai 1789, les Etats Généraux se réunissent à Versailles dans l’hôtel des Menus Plaisirs. Le 17 juin, le Tiers-Etat se constitue en Assemblée nationale, rejoint, deux jours plus tard, par le Clergé. Le 20 juin, les députés trouvent porte close et décident de se réunir au Jeu de Paume. Les membres de l’Assemblée installent ainsi un mobilier de fortune et le président Bailly, entouré des secrétaires et des 630 députés, prononce le fameux serment, qui enjoint aux députés de ne plus se séparer avant d'avoir donné une constitution à la France.
Début mars 1790, selon une inscription dans un carnet de croquis (P. Stein, Jacques-Louis David. Radical draftsman, exhib. cat., New York, Metropolitan Museum of Art, 2022, p. 186), David et son ami le député Edmond Dubois-Crancé proposent à la commission du club des Jacobins (aussi connu sous le nom de Société des Amis de la Constitution) que l’artiste réalise un ambitieux tableau du Serment du Jeu de Paume, en l’honneur de l’Assemblée Nationale. Mais ce n’est qu’en octobre 1790 que le projet commence, prévu pour être financé par une souscription nationale. Mais deux éléments mettent le projet en péril : le peu d’enthousiasme financier des souscripteurs et la fin de l’unanimité des révolutionnaires de 1789. En effet, de nombreux députés de l'Assemblée nationale sont considérés comme des traîtres à la Révolution quelques années plus tard (Mirabeau, par exemple). C'est entre autres pourquoi, après de multiples croquis, esquisses et études dessinées, David abandonne son immense toile inachevée, aujourd’hui conservée à Versailles (musée national des châteaux de Versailles et du Trianon, inv. MV 5841 ).
Le présent dessin, réalisé par un membre de l’atelier de Jacques-Louis David puis très probablement retouché parle maître lui-même, s’inscrit dans cette démarche de multiplication des études d’atelier, aussi bien pour les figures que pour l’architecture, les études de draperies, les mises au carreau, ou encore les études peintes. Il nous offre un précieux témoignage de cette grande entreprise picturale davidienne, rendue caduque par le cours tumultueux de l’Histoire, avant que d'être achevée. En dehors de cette immense toile non achevée, mentionnée plus haut (plus de sept mètres sur dix), la composition entière et détaillée nous est principalement connue grâce à l’étude dessinée la plus aboutie de ce projet, en dépôt au musée du château de Versailles et exposée récemment au Metropolitan Museum of Art de New York (fig. 1 ; inv. M.V. 8409 ; Stein, op. cit., 2022, n° 53 ).

L’originalité des techniques utilisées dans l’atelier de David
Avant l’avortement de ce projet ambitieux, Jacques-Louis David s’entoure, dans son atelier, de plusieurs architectes, peintres, dessinateurs et élèves. Cette collaboration avec d’autres artistes est avérée et Antoine Schnapper, dès 1990, indique que l’étude de composition d’ensemble conservée aux Harvard Art Museums de Cambridge (fig. 2 ; inv. 1943.799) a été exécutée avec ‘la collaboration de Charles Moreau (1762-1810), élève et ami de David œuvrant dans son atelier, à la fois peintre et architecte’ (Schnapper, Jacques-Louis David, cat. exp., Versailles, musée national du château de Versailles, 1990, p. 248).
Le présent dessin est un nouveau et précieux témoignage inédit de la pratique artistique davidienne. Le député Edmond Louis Alexis Dubois-Crancé (1747-1814), qui correspond sur le dessin au personnage modifié sur un morceau de papier silhouetté avec les pieds campés dans le sol et le bras droit levé sera finalement inversé dans la version finale et mis à la place de Maximilien Robespierre (1758-1794) avec sa tête rejetée en arrière et ses mains sur la poitrine. Le même positionnement de Dubois-Crancé au sol et Robespierre debout sur la chaise derrière lui, deux amis chers de David, se retrouve sur un dessin du maître, rehaussé de lavis gris et d’un aspect plus pictural, conservé en collection particulière française (fig. 3; Stein, op. cit., 2022, n° 52). Ce placement des deux députés ne sera pas retenu mais plutôt inversé dans la composition finale, Robespierre se retrouvant au sol et Dubois-Crancé debout. Il est intéressant de rapprocher cette inversion des vicissitudes de la Révolution et de la situation politique de David: ce dernier, député à la Convention et soutien de Robespierre, accompagne la chute de ce dernier à la fin de la Terreur, et se retrouve en prison. Peut-être le changement de composition, avec un Robespierre descendu de sa chaise, vise-t-il à atténuer le passé robespierriste de David ?
Cette modification de la position d’un personnage à l’aide d’un ajout de papier est un intéressant témoignage des hésitations de l’artiste et de son processus créatif. Cette technique est propre à David et se retrouve sur le dessin le plus abouti de la composition d’ensemble, où un morceau de papier silhouetté autour des figures centrales, dont le président Bailleul, a été découpé et posé par-dessus, à la manière d’un repentir (fig. 1).

Une provenance prestigieuse : la collection du Baron Dominique-Vivant Denon
De même que le dessin en collection particulière représentant Dubois-Crancé et Robespierre et cité précédemment, la présente étude a appartenu à l’un des plus célèbres élèves de David et graveur de cette composition en 1794, Dominique-Vivant Denon. Les deux feuilles portent son cachet de collection, répertorié par Frits Lugt sous le numéro L. 779. Avant d’être un collectionneur infatigable, directeur des arts au service de Napoléon et premier directeur du Louvre, Vivant Denon fut un artiste passionné d’estampes, qu'il utilisait ‘comme un carnet de notes autobiographiques’ (A. Goetz, ‘Dominique-Vivant Denon. L’œil de Napoléon, cat. exp., Paris, musée du Louvre, 1999-2000, p. 71).
Les soubresauts de la Révolution l'amènent à ‘graver et surtout publier, pour le compte du Comité de salut public, les costumes républicains dessinés par David’ (U. van de Sandt, Dominique-Vivant Denon. L’œil de Napoléon, cat. exp., Paris, musée du Louvre, 1999-2000, p. 75). C’est probablement dans ce contexte, en tant que proche de David, qu’il entre en possession du présent dessin, mis au carreau à la plume et encre brune. Les dimensions de la feuille, prises au niveau des traits d’encadrements, correspondent à la taille de la gravure du Serment du Jeu de Paume d’après David, réalisée par Dominique -Vivant Denon au début de l’année 1794, avant la chute de Robespierre en août 1794 (Paris, Bibliothèque nationale de France, cabinet des Estampes, cote : AA5/suppl. relié – David ; op. cit., 1999-2000, n° 55).
Ce morceau d’histoire inédit, d’un large format, intimement lié au projet gravé et représentant l’une des plus célèbres compositions révolutionnaires de Jacques-Louis David est un précieux témoignage du processus créatif de l’artiste venant retravailler et ajuster en permanence non seulement ses propres œuvres mais également celles de la main des artistes de son atelier.


Fig. 1: J.-L. David, Le Serment du Jeu de Paume, Versailles, musée national du château des châteaux de Versailles et de Trianon ©RMN-Grand Palais (Château de Versailles) / Gérard Blot
Fig. 2: J.-L. David, The Oath of the Tennis Court, Cambridge, Harvard Art Museums/ Fogg Museum © droits réservés
Fig. 3: J.-L. David, Dubois-Crancé et Robespierre pour le Serment du Jeu de Paume, France, collection particulière © droits réservés
Fig. 4: P.-A. Hall, Portrait de Dominique Vivant Denon, coll. part. ©Christie’s Image 2010

English translation:
This large-scale study is related to Jacques-Louis David famous scene from the French Revolution, the Oath of the Tennis Court. On 5 May 1789, the Estates General convened in Versailles at the Hôtel des Menus Plaisirs. On 17 June, the Third Estate declared itself the National Assembly, joined two days later by the First State, i.e. the clergy. A few days later, on 20 June, the deputies find the chamber doors locked, spurring them to congregate at the nearby royal tennis court, the Jeu de Paume. This led to the moment depicted by David, in which President Bailly, together with his secretaries and 630 deputies, took an oath, agreeing not to disband until they settle the French constitution.

According to an inscription in a sketchbook from early March 1790 (see P. Stein, Jacques-Louis David. Radical draftsman, exhib. cat., New York, The Metropolitan Museum of Art, 2022, p. 186), David and his deputy friend Edmond Dubois-Crancé proposed to the commission of the Jacobins (also known as the Society of the Friends of the Constitution) that David would execute an ambitious painting depicting the Oath, in honour of the National Assembly. He started working on the project only a few months later, in October 1790, with funding to be realised thanks to a national subscription. However, a combination of a lack of enthusiasm from subscribers and the end of the revolutionaries’ unanimity put the project at risk. Despite having produced numerous sketches and studies, David turned away from his monumental canvas, leaving it incomplete. This large work (over 7 by 10 meters) is today at the Musée National des Châteaux de Versailles et du Trianon (inv. MV 5841; see Stein, op. cit., fig. 110).

The unpublished drawing presented here, executed by a member of David’s workshop and likely retouched by the master himself, testifies to the workshop’s process of multiplying working studies based on sketches of figures, architecture, and draperies, in addition to more finished drawings, including ones squared up and sketches executed in oil. The sheet also documents the full composition of David’s ambitious project, made obsolete by political events, before it was completed. More so than from the canvas now in Versailles, the intended final composition is known to us thanks to the highly finished drawing in the collection of the Louvre, on long-term loan to the Musée du château de Versailles (fig. 1; inv. M.V. 8409; see Stein, op. cit., no. 53, ill.).

David’s workshop: an original approach to working studies
Before aborting the project, David had surrounded himself in his workshop with painters, architects, draughtsmen. His collaboration with other artists is documented, and already in 1990 Antoine Schnapper points out that the compositional study at the Harvard Art Museums, Cambridge (fig. 2; inv. 1943.799; Stein, op. cit., p. 188, fig. 109) was executed with the help of Charles Moreau (1762-1810), David’s pupil and friend, a painter and architect working with him in his workshop (in Jacques-Louis David, exhib. cat., Versailles, Musée National du Château de Versailles, 1990, p. 248).

The current drawing is a precious document for understanding David’s working process. For instance, the deputy Edmond-Louis-Alexis Dubois-Crancé (1747-1814), identifiable in the new drawing as the man standing with his right arm raised, added on a separate piece of paper, eventually appeared with his hands on his chest, his head jerking backward, while Maximilien Robespierre (1758-1794), standing on the chair, is the one raising his right arm in the final version of the composition as documented in the drawing now in Versailles. In one of David’s own drawings in a French private collection (fig. 3; see Stein, op. cit., no. 52, ill.), Dubois-Crancé and Robespierre, both close friends of David, are similarly positioned with the latter standing up on a chair behind the other. The positioning of the two deputies is swapped in the final composition, with Robespierre now standing to tennis court’s floor. A compelling parallel could be drawn between the turn of events in the revolutionary developments and David’s political situation: the artist, deputy to the Convention backing Robespierre, followed him through to the end of the Terror, only to find himself in prison. Could the change in the composition be intended to tone down the work’s original political message? Such a shift of a figure’s position by adding a piece of paper on top of the larger drawing records the artist’s hesitations and creative process. The technique is characteristic for David, and was also used by him in the more finished drawing for the Oath of the Tennis Court mentioned above, where the central group, including the President Bailly, was replaced with one drawn on a cut-out piece of paper.

A distinguished provenance: the Collection of Baron Dominique-Vivant Denon
Like the drawing in a private French collection mentioned above and depicting Dubois-Crancé and Robespierre (fig. 3), the present work once belonged to one of David’s most celebrated pupils, Dominique-Vivant Denon, who produced an engraving of the composition in early 1794. Both drawings bear his collector’s mark, recorded by Frits Lugt under the number 779. A tireless collector, he was director-general of museums under Napoleon and later served as the first director of the Louvre. However, Vivant Denon was first and foremost an artist with a great passion for prints, which he used as an ‘autobiographic notebook’ (A. Goetz in P. Rosenberg, Dominique-Vivant Denon. L’Œil de Napoléon, exhib. cat., Paris, Musée du Louvre, 1999-2000, p. 71). The turbulence of the Revolution spurred him to ‘engrave and publish, for the benefit of the Committee of Public Safety [Comité du Salut public], the Republican costumes designed by David’ (U. van de Sandt ibidem, p. 75). As a member of David’s close circle, Vivant Denon came into possession of the present drawing, squared-up in pen and brown ink. The dimensions of the sheet, measured within the framing lines, equal those of Vivant Denon’s engraving of the Oath of the Tennis Court, before the fall of Robespierre in August of 1794 (an impression is at the Bibliothèque Nationale de France, Département des Estampes et de la Photographie, shelfmark AA5 SR DAVID; see Rosenberg, op. cit., no. 55, ill.). This new drawing, closely connected to the engraving and depicting one of the most celebrated of David’s compositions, constitutes a precious record of the artist at work, relentlessly reworking and adjusting not his work, and collaborating closely with members of his studio.

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