Lot Essay
Cette large feuille au lavis gris réalisé par Gustave Doré est préparatoire à l’une des vingt-quatre planches gravées en xylographie, hors-texte, illustrant The Raven d’Edgar Allan Poe (1809-1849) dans l’édition de 1883. La convention avec l’éditeur est établie en décembre 1882 et les dessins de Gustave Doré livrés un mois plus tard - l'artiste meurt dès Janvier 1883 et ne verra donc pas le projet abouti (Gustave Doré. L’imaginaire au pouvoir, cat. exp., Paris, musée d’Orsay, Ottawa, musée des beaux-arts du Canada, 2014, pp.93-94).
Edgar Poe publie ce poème narratif dans sa langue maternelle pour la première fois en 1845, il est considéré comme l’un des plus connus de l’auteur et devient une référence littéraire dans le domaine de la poésie américaine du XIXe siècle. Le narrateur, par une nuit noire et glaciale en plein hiver s’assoupie en lisant pour essayer d’oublier la mort de sa bienaimée Lénore. Un corbeau majestueux va hanter sa nuit, il va sombrer dans la frénésie puis la folie en passant par le regret et le deuil. Intitulé Le Corbeau en français, il sera traduit quelques années plus tard par Charles Baudelaire en 1853 et par Stéphane Mallarmé en 1872 mais c’est bien le texte original en anglais que Gustave Doré illustrera dans l’édition de 1883-1884. Il parut simultanément à Londres aux éditions MM. Sampson et Low et à New York chez Harper & Brothers. Dans la biographie de l’artiste paru en 1887, Blanche Roosevelt décrira avec emphase les illustrations : ‘Le luxe de mélancolie du poète enflamma l’imagination attristée de Doré, et il rendit d’une façon poignante l’indicible tristesse de cette sombre idylle’ (La vie et les œuvres de Gustave Doré, d’après les souvenirs de sa famille, de ses amis et de l’auteur, Paris, 1887, p. 376).
Trois autres dessins préparatoires au Corbeau, de technique et de dimensions similaires, sont aujourd’hui connus : Ananké au musée d’art moderne et contemporain de Strasbourg (fig. 1; inv. 55.992.13.31 ; Gustave Doré. L’imaginaire au pouvoir, cat. exp. Paris, musée d’Orsay, Ottawa, musée des beaux-arts du Canada, 2014, n° 76) ‘Pour la précieuse et rayonnante fille que les anges nomment Lénore – et qu’ici on ne nommera jamais plus’ au musée des Beaux-Arts du Canada à Ottawa (fig. 2; inv. 14935 ; ibid., n° 228) et ‘C’est quelque visiteur qui sollicite l’entrée à la porte de ma chambre’ en collection particulière (ibid, n° 233).
Ce projet contribuera grandement à la renommée de Gustave Doré en Amérique et dès la parution du livre, les critiques littéraires sont emphatiques. ‘De toute évidence, il y avait quelque chose de commun entre les états d’âme embrumés de Poe et Doré […]. Par leur maîtrise de la puissance mélodramatique et du surnaturel, ils ont tous deux su éviter de franchir la ligne dangereuse qui sépare l’idéal de l’absurde L’un et l’autre ont souvent fait appel aux féeries de la fantaisie et de la romance […]. Poète ou artiste, la Mort transfigure toutes choses’ (E. C. Stedman, ‘Comment on the Poem’, in The Raven by Edgar Allan Poe, Illustrated by Gustave Doré, New York, Harper and Brothers, 1884, p. 14, in ibid., p. 94).
Fig. 1 G. Doré, Ananké, graphite, lavis gris, Strasbourg, musée d’art moderne et contemporain
Fig. 2 G. Doré, Lénore, graphite, lavis gris, Ottawa, musée des beaux-arts du Canada
ENGLISH TRANSLATION
‘Doubting, dreaming dreams no mortal ever dared to dream before’ The Raven, Edgar Allan Poe.
Edgar Poe publie ce poème narratif dans sa langue maternelle pour la première fois en 1845, il est considéré comme l’un des plus connus de l’auteur et devient une référence littéraire dans le domaine de la poésie américaine du XIXe siècle. Le narrateur, par une nuit noire et glaciale en plein hiver s’assoupie en lisant pour essayer d’oublier la mort de sa bienaimée Lénore. Un corbeau majestueux va hanter sa nuit, il va sombrer dans la frénésie puis la folie en passant par le regret et le deuil. Intitulé Le Corbeau en français, il sera traduit quelques années plus tard par Charles Baudelaire en 1853 et par Stéphane Mallarmé en 1872 mais c’est bien le texte original en anglais que Gustave Doré illustrera dans l’édition de 1883-1884. Il parut simultanément à Londres aux éditions MM. Sampson et Low et à New York chez Harper & Brothers. Dans la biographie de l’artiste paru en 1887, Blanche Roosevelt décrira avec emphase les illustrations : ‘Le luxe de mélancolie du poète enflamma l’imagination attristée de Doré, et il rendit d’une façon poignante l’indicible tristesse de cette sombre idylle’ (La vie et les œuvres de Gustave Doré, d’après les souvenirs de sa famille, de ses amis et de l’auteur, Paris, 1887, p. 376).
Trois autres dessins préparatoires au Corbeau, de technique et de dimensions similaires, sont aujourd’hui connus : Ananké au musée d’art moderne et contemporain de Strasbourg (fig. 1; inv. 55.992.13.31 ; Gustave Doré. L’imaginaire au pouvoir, cat. exp. Paris, musée d’Orsay, Ottawa, musée des beaux-arts du Canada, 2014, n° 76) ‘Pour la précieuse et rayonnante fille que les anges nomment Lénore – et qu’ici on ne nommera jamais plus’ au musée des Beaux-Arts du Canada à Ottawa (fig. 2; inv. 14935 ; ibid., n° 228) et ‘C’est quelque visiteur qui sollicite l’entrée à la porte de ma chambre’ en collection particulière (ibid, n° 233).
Ce projet contribuera grandement à la renommée de Gustave Doré en Amérique et dès la parution du livre, les critiques littéraires sont emphatiques. ‘De toute évidence, il y avait quelque chose de commun entre les états d’âme embrumés de Poe et Doré […]. Par leur maîtrise de la puissance mélodramatique et du surnaturel, ils ont tous deux su éviter de franchir la ligne dangereuse qui sépare l’idéal de l’absurde L’un et l’autre ont souvent fait appel aux féeries de la fantaisie et de la romance […]. Poète ou artiste, la Mort transfigure toutes choses’ (E. C. Stedman, ‘Comment on the Poem’, in The Raven by Edgar Allan Poe, Illustrated by Gustave Doré, New York, Harper and Brothers, 1884, p. 14, in ibid., p. 94).
Fig. 1 G. Doré, Ananké, graphite, lavis gris, Strasbourg, musée d’art moderne et contemporain
Fig. 2 G. Doré, Lénore, graphite, lavis gris, Ottawa, musée des beaux-arts du Canada
ENGLISH TRANSLATION
‘Doubting, dreaming dreams no mortal ever dared to dream before’ The Raven, Edgar Allan Poe.