Lot Essay
BERNARD DE GRUNNE
La magnifique statue Proto-Dogon aux bras levés recouverte d’une épaisse patine rougeâtre fait partie des œuvres les plus emblématiques de la collection Barbier-Mueller. Acquise par Emil Storrer sans doute à Douentza vers 1956, elle représente un personnage, dont l’aspect féminin est souligné par un labret inséré dans la lèvre inférieure, des seins généreux et un pagne discret. Les bras levés avec le détail iconographique très spécifique de la main droite ouverte et la gauche fermée sont une posture omniprésente dans les statuaires à la fois Soninké, Tellem et Dogon et dont les niveaux sémantiques sont multiples depuis le symbole du sacrifice et de la résurrection de Nommo à l’imploration de la pluie.1
Cette statue fait partie d’un corpus de quatre œuvres sculptées par un même artiste que je nommerai le « Maître de Tintam », actif vers A.D. 1400 et 1450 au vu des quatre datations au C14. Les trois autres œuvres par ce « Maître de Tintam » sont une statue jumelle aux bras levés conservée au Rietberg Museum et deux autres dans des collections privées.2 Je suggère que ces quatre statues auraient été commandées en même temps pour un seul sanctuaire d’importance majeure provenant du nord-est du plateau dans la région de Bondum dont le grand village de Tintam fut un des centres religieux les plus importants. Selon Hélène Leloup cette région au nord-est du plateau Dogon est d’un accès très difficile, bien fortifiée où vivent des populations animistes pré-Dogon apparentées aux populations Soninké.3
Les deux grandes statues aux bras levés seraient alors les figures centrales de cet autel tandis que la statue de la collection Buchmann serait le portrait d’un personnage important, reine, cheffe de guerre ou héroïne de migrations qui a commandité son portrait tandis que la quatrième sculpture porteuse d’un récipient également conservée au Rietberg Museum aurait été utilisée pour des rituels concernant la fécondité et de la fertilité.4
Deux autres statues couvertes d’une épaisse patine rituelle similaire croûteuse brun-rouge sont l’œuvre d’un second artiste contemporain attribuées par Vincent Bouloré au « Maître de la Maternité Rouge », également actif dans la même région de Tintam.5
]
Cette sculpture par le « Maître de Tintam » vient donc, en ouvrant un nouveau chapitre stylistique, témoigner de l’immense richesse artistique des cultures Pré-Dogon dans cette magnifique et mystérieuse région du plateau ainsi que la falaise de Bandiagara.
The magnificent Proto-Dogon statue with raised arms covered in a thick reddish patina is one of the most emblematic works in the Barbier-Mueller Collection. Probably acquired by Emil Storrer in Douentza around 1956, it depicts a figure, whose feminine aspect is emphasised by a labret inserted in the lower lip, generous breasts and a discreet loincloth. The raised arms, with the very specific iconographic detail of the right hand open and the left one closed, is an omnipresent posture in Soninke, Tellem and Dogon statuary. It comprises multiple semantic levels ranging from the symbol of sacrifice and the resurrection of Nommo to the imploring of rain.
This statue is part of a corpus of four works sculpted by the same artist, whom I will call the “Master of Tintam”, active around A.D. 1400 and 1450, given the four C14 dates. The other three works by this “Master of Tintam” are a twin statue with raised arms in the Rietberg Museum and two others in private collections.2 I suggest that these four statues were commissioned at the same time for a single major sanctuary in the north-east of the plateau in the Bondum region, of which the large village of Tintam was one of the most important religious centres. According to Hélène Leloup, this region to the north-east of the Dogon plateau is very difficult to access, well-fortified and populated by an ancient pre-Dogon animist population related to the Soninke.
The two large statues with raised arms are thought to be the central figures of this altar, while the statue in the Buchmann collection is thought to be the portrait of an important figure - a queen, war leader or migratory heroine - who commissioned its portrait, while the fourth sculpture, also in the Rietberg Museum and carrying a vessel, is thought to have been used for fertility rituals.4
Two other statues covered in a similar thick reddish-brown ritual crusty patina are the work of a second contemporary artist, attributed by Vincent Bouloré to the “Master of the Red Maternity”, also active in the same region of Tintam.5
Hence, by opening up a new stylistic chapter, this sculpture by the “Master of Tintam” bears witness to the immense artistic wealth of the Pre-Dogon cultures in this magnificent and mysterious region of the plateau and the cliff of Bandiagara.
1Dieterlen, G. et Griaule, M., Le renard pâle. Le mythe cosmogonique, Paris, 1965, Tome I, pp. 353-55 et Paudrat, J.-L., « Résonances mythiques dans la statuaire Dogon », in Dogon, Paris, 1994, pp. 61-65.
2 Ces deux statues sont publiées dans les ouvrages suivants/Those two statues are published in : Buchmann, A. et al., Culture. Myth Africa, Lugano, 2009, pp. 20-25 et Bassani, E. et Pezzoli, G., Ex Africa. Storie e identità di un'arte universale, Bologne, 2019, p. 170, n° III.10.
3Décrites comme Djennenké/Described as Djennenke par Desplagnes, L., Le plateau central nigérien, Paris, 1907, p. 198 et Leloup, H., Statuaire Dogon, Paris, 1994, p. 119 et Grunne, B. de, « Figures équestres du delta intérieur du Mali », in Aethiopia, vestiges de gloire, Paris, 1987, pp. 9-13.
4 Bouloré, V., Sculptures. Afrique, Asie, Océanie, Amériques, Paris, 2000, p. 91.
5 Bouloré, V., op. cit., 2000, p. 90.
La magnifique statue Proto-Dogon aux bras levés recouverte d’une épaisse patine rougeâtre fait partie des œuvres les plus emblématiques de la collection Barbier-Mueller. Acquise par Emil Storrer sans doute à Douentza vers 1956, elle représente un personnage, dont l’aspect féminin est souligné par un labret inséré dans la lèvre inférieure, des seins généreux et un pagne discret. Les bras levés avec le détail iconographique très spécifique de la main droite ouverte et la gauche fermée sont une posture omniprésente dans les statuaires à la fois Soninké, Tellem et Dogon et dont les niveaux sémantiques sont multiples depuis le symbole du sacrifice et de la résurrection de Nommo à l’imploration de la pluie.1
Cette statue fait partie d’un corpus de quatre œuvres sculptées par un même artiste que je nommerai le « Maître de Tintam », actif vers A.D. 1400 et 1450 au vu des quatre datations au C14. Les trois autres œuvres par ce « Maître de Tintam » sont une statue jumelle aux bras levés conservée au Rietberg Museum et deux autres dans des collections privées.2 Je suggère que ces quatre statues auraient été commandées en même temps pour un seul sanctuaire d’importance majeure provenant du nord-est du plateau dans la région de Bondum dont le grand village de Tintam fut un des centres religieux les plus importants. Selon Hélène Leloup cette région au nord-est du plateau Dogon est d’un accès très difficile, bien fortifiée où vivent des populations animistes pré-Dogon apparentées aux populations Soninké.3
Les deux grandes statues aux bras levés seraient alors les figures centrales de cet autel tandis que la statue de la collection Buchmann serait le portrait d’un personnage important, reine, cheffe de guerre ou héroïne de migrations qui a commandité son portrait tandis que la quatrième sculpture porteuse d’un récipient également conservée au Rietberg Museum aurait été utilisée pour des rituels concernant la fécondité et de la fertilité.4
Deux autres statues couvertes d’une épaisse patine rituelle similaire croûteuse brun-rouge sont l’œuvre d’un second artiste contemporain attribuées par Vincent Bouloré au « Maître de la Maternité Rouge », également actif dans la même région de Tintam.5
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Cette sculpture par le « Maître de Tintam » vient donc, en ouvrant un nouveau chapitre stylistique, témoigner de l’immense richesse artistique des cultures Pré-Dogon dans cette magnifique et mystérieuse région du plateau ainsi que la falaise de Bandiagara.
The magnificent Proto-Dogon statue with raised arms covered in a thick reddish patina is one of the most emblematic works in the Barbier-Mueller Collection. Probably acquired by Emil Storrer in Douentza around 1956, it depicts a figure, whose feminine aspect is emphasised by a labret inserted in the lower lip, generous breasts and a discreet loincloth. The raised arms, with the very specific iconographic detail of the right hand open and the left one closed, is an omnipresent posture in Soninke, Tellem and Dogon statuary. It comprises multiple semantic levels ranging from the symbol of sacrifice and the resurrection of Nommo to the imploring of rain.
This statue is part of a corpus of four works sculpted by the same artist, whom I will call the “Master of Tintam”, active around A.D. 1400 and 1450, given the four C14 dates. The other three works by this “Master of Tintam” are a twin statue with raised arms in the Rietberg Museum and two others in private collections.2 I suggest that these four statues were commissioned at the same time for a single major sanctuary in the north-east of the plateau in the Bondum region, of which the large village of Tintam was one of the most important religious centres. According to Hélène Leloup, this region to the north-east of the Dogon plateau is very difficult to access, well-fortified and populated by an ancient pre-Dogon animist population related to the Soninke.
The two large statues with raised arms are thought to be the central figures of this altar, while the statue in the Buchmann collection is thought to be the portrait of an important figure - a queen, war leader or migratory heroine - who commissioned its portrait, while the fourth sculpture, also in the Rietberg Museum and carrying a vessel, is thought to have been used for fertility rituals.4
Two other statues covered in a similar thick reddish-brown ritual crusty patina are the work of a second contemporary artist, attributed by Vincent Bouloré to the “Master of the Red Maternity”, also active in the same region of Tintam.5
Hence, by opening up a new stylistic chapter, this sculpture by the “Master of Tintam” bears witness to the immense artistic wealth of the Pre-Dogon cultures in this magnificent and mysterious region of the plateau and the cliff of Bandiagara.
1Dieterlen, G. et Griaule, M., Le renard pâle. Le mythe cosmogonique, Paris, 1965, Tome I, pp. 353-55 et Paudrat, J.-L., « Résonances mythiques dans la statuaire Dogon », in Dogon, Paris, 1994, pp. 61-65.
2 Ces deux statues sont publiées dans les ouvrages suivants/Those two statues are published in : Buchmann, A. et al., Culture. Myth Africa, Lugano, 2009, pp. 20-25 et Bassani, E. et Pezzoli, G., Ex Africa. Storie e identità di un'arte universale, Bologne, 2019, p. 170, n° III.10.
3Décrites comme Djennenké/Described as Djennenke par Desplagnes, L., Le plateau central nigérien, Paris, 1907, p. 198 et Leloup, H., Statuaire Dogon, Paris, 1994, p. 119 et Grunne, B. de, « Figures équestres du delta intérieur du Mali », in Aethiopia, vestiges de gloire, Paris, 1987, pp. 9-13.
4 Bouloré, V., Sculptures. Afrique, Asie, Océanie, Amériques, Paris, 2000, p. 91.
5 Bouloré, V., op. cit., 2000, p. 90.