Details
Clovis Trouille (1889-1975)
Le Baiser du confesseur
signé 'Clovis Trouille' (en bas à droite); inscrit 'LE BAISER DU CONFESSEUR' (en bas au centre sur le cadre de l'artiste); signé et inscrit 'le baiser du confesseur Clovis Trouille 57 Avenue Mathurin Moreau Paris 19è' (au revers); inscrit 'le baiser du confesseur' (sur le châssis)
huile sur toile dans le cadre de l'artiste
Image: 65.3 x 54.3 cm.
Cadre de l'artiste: 80 x 70 x 3 cm.
Peint en 1947

signed 'Clovis Trouille' (lower right); inscribed 'LE BAISER DU CONFESSEUR' (at the lower center of the artist's frame); signed and inscribed 'le baiser du confesseur Clovis Trouille 57 Avenue Mathurin Moreau Paris 19è' (on the reverse); inscribed 'le baiser du confesseur' (on the stretcher)
oil on canvas in the artist's frame
Image: 25 5⁄8 x 21 3⁄8 in.
Artist's frame: 31 ½ x 27 ½ x 1 ¼ in.
Painted in 1947
Provenance
Atelier de l'artiste.
Puis par succession aux propriétaires actuels.
Literature
J.-M. Campagne, Clovis Trouille, Ivry, 1969 p. 136 (illustré; détail du premier état illustré p. 4).
J.-M. Lo Duca, Histoire de l’érotisme, Paris, 1969, p. 270 (premier état illustré).
Lettre de Clovis Trouille à Lo Duca, 1er juillet 1970.
R. Charmet et C. Trouille, Clovis Trouille, Paris, 1972, p. 49 (illustré en couleurs p. 48).
C. Prévost, Parcours à travers l'œuvre de Clovis Trouille, Arles, 2003, p. 186 (illustré en couleurs; détail du premier état illustré, p. 186 et p. 187; détail illustré en couleurs p. 188 et détail illustré, p. 189).
Exhibited
Paris, Galerie Raymond Cordier, Clovis Trouille, mars 1963, no. 12.
Paris, Musée des Arts d’Afrique et d’Océanie, Exposition Clovis Trouille, octobre 1999-janvier 2000 (sans catalogue).
Ostende, Museum voor Moderne Kunst, Clovis Trouille, mars-novembre 2002, no. 29.
Le Cailar, Cercle d'Art Contemporain du Cailar, Clovis Trouille, Gérard Lattier, Correspondances, mars-mai 2004 (illustré en couleurs).
Amiens, Musée de Picardie, Clovis Trouille, Un peintre libre et iconoclaste, avril-août 2007, p. 16 (illustré en couleurs).
L'Isle-Adam, Musée d’Art et d’Histoire Louis-Senlecq; Charleville-Mézières, Musée Arthur-Rimbaud et Laval, Musée du Vieux-Château, Voyous, voyants, voyeurs, Autour de Clovis Trouille, novembre 2009-janvier 2011, no. 8 (illustré en couleurs, p. 19).
Further Details
« Un évènement de sa jeunesse d’étudiant. La connaissance d’une jeune fille d’Amiens de la société de sa mère. On taira son nom. Clovis Trouille se détourna complètement de la jeune fille qu’on lui désignait en vue d’un mariage. Celle-ci, folle de lui, ne trouva refuge que dans la vocation religieuse. Un jour, au cours de la guerre 14-18, profitant d’une permission après la bataille de L’Argonne – il visite à nouveau la cathédrale d’Amiens – pour y rencontrer, à sa grande stupeur, « La religieuse » qu’il avait refusé d’épouser. Mais peut-être pas sans l’aimer un peu. Dans le croisement de leurs regards, que se passa t-il ? On peut penser que Clovis Trouille reçut un choc au cœur très troublant puisqu’il peignit dans le grand âge « Le baiser du confesseur » dans la cathédrale d’Amiens. Cet envoûtant tableau illustre autant l’émotion de ce moment que la passion de la religieuse portugaise pour le chevalier de Chamilly – autant que l’histoire d’Héloïse et Abelard -, m’a dit plus tard mon père. A propos des lettres de la religieuse portugaise qu’il m’avait donné à lire, dans ma jeunesse, il en exalta la beauté, l’émotion si pure de cette pieuse âme. Texte dont la qualité littéraire lui rappelait Mme de La Fayette.» Alice Lambert.

‘This goes back to an episode that occurred during his student days. He met a young girl from Amiens who worked in his mother's company. We will not mention her name. Clovis Trouille completely walked away from this young woman he had been assigned to marry. Yet she was crazy about him and found peace only in her religious vocation. One day, during the First World War, while on leave after the Battle of the Argonne, he visited Amiens Cathedral again, only to find himself face to face with ‘the nun’ he had refused to marry. But perhaps not without loving her a little. What happened when their eyes met? It is likely that Clovis Trouille received a very disturbing shock to the heart, part of which he expressed when he painted ‘Le Baiser du confesseur’ in Amiens Cathedral. This captivating painting illustrates the emotion of that moment as much as the Portuguese nun's passion for the Chevalier de Chamilly - as much as the story of Héloïse and Abelard, my father later told me. With regards to the letters of the Portuguese nun that he had given me to read when I was young, he praised her beauty and the pure emotion of this devout soul. A text with a literary quality that reminded him of Mme de La Fayette’. Alice Lambert.

Dans une lettre à Maurice Rapin datant de juin 1963, Trouille écrit au sujet de son œuvre « (…) je reviens plutôt aux imagiers gothiques, ces créations de beauté, de beauté perdue. Mais que leurs ruines sont belles. Mais redoutons les restaurations. Je préfère les ruines d’une belle chose à toute retouchée. »
On devine dans la toile le repentir de l’artiste, au niveau de l’épaule de la femme. Cette forme sombre est le seul souvenir du premier état de l’œuvre, où la religieuse pressait entre ses doigts le vêtement du confesseur.
Il y a quelque chose de profondément blasphématoire mais tout autant poétique dans ce baiser éclairé par les vitraux de la cathédrale, où la religieuse s’abandonne totalement dans les bras de son confesseur. D’une sœur, elle en a seulement les vêtements, car sa guimpe si collée à sa peau lui donne l’impression d’être nue, tandis que son voile tombe en cascade comme le feraient des cheveux. Sa tunique verte rappelle celle du roi David dans le vitrail en arrière-plan. Les yeux fermés, elle semble se laisser couler, seulement soutenue par les mains du confesseur sur sa poitrine et son épaule, dans l’attente du baiser. Lui, regarde ses lèvres, et toute la poésie de l’œuvre réside dans ces deux profils si proches, qu’ils semblent jumeaux. On peut ainsi déceler l’humour toujours plus insolent de Trouille, qui peint le confesseur avec des traits si doux, qu’ils en paraissent presque féminins.
Être confesseur dans la religion catholique est un titre pour le prêtre qui administre le sacrement de pénitence et de réconciliation. Dans la toile, l’artiste joue de ce prêtre, qu’il peint en tenue rouge jusqu’à sa barrette, les « couleurs liturgiques » des habits évoquant des moments particuliers de l’année religieuse. Le rouge correspondant bien évidemment à la Passion.
Au XVIème siècle, beaucoup pensaient que les grains de beauté étaient la marque du diable, et Trouille s’amuse de cet imaginaire dans nombre de ses toiles, plaçant notamment ici un point du démon juste au-dessus des lèvres qui s’apprêtent à commettre le péché.
Surplombant les pécheurs, le Roi David et Saint Louis protestent depuis leurs vitraux. L’artiste ne les a sûrement pas choisis par hasard, car ces deux figures de la religion ont elles aussi profité des plaisirs de la chair.
Trouille peint ici un « triomphe de l’amour », selon ses dires. L’écrivain et réalisateur Ado Kyrou, en racontant l’amour dans le cinéma surréaliste, écrit d’ailleurs qu’il « y a fixé merveilleusement l’image radieuse du baiser », immortalisant alors en peinture sa propre version de la scène iconique du baiser de Greta Garbo et Lew Ayres dans le film à succès Le Baiser. Et en effet, malgré tous les blasphèmes, ou peut-être grâce à eux, l’œuvre est une représentation magique de l’amour et de cet instant flottant du premier baiser, où tout s’oublie et s’efface. Les deux amoureux sont seuls au monde, éclairés au premier plan d’une lumière inconnue, jouant des notions gothiques de confusion du bien et du mal.

In a letter to Maurice Rapin dated June 1963, Trouille explained his work: ‘(…) I tend to go back to Gothic images, those creations of beauty, of lost beauty. Their ruins are so beautiful. Beware of any restoration. I prefer the ruins of a beautiful thing to any retouching'.
The artist's pentimento is visible on the woman’s shoulder. This dark shape is the only reminder of the first state of the work, in which the nun was squeezing the confessor's garment between her fingers.
There is something profoundly blasphemous yet equally poetic in this depiction of a kiss, lit by the cathedral's stained-glass windows, in which the nun abandons herself completely in her confessor's arms. Of a nun, she has only the clothes, for her wimple so tight to her skin gives her the impression of being naked, while her veil cascades like hair. Her green tunic recalls that of King David in the stained-glass window in the background. Her eyes closed, she seems to let herself go , supported only by the confessor's hands on her chest and shoulder, waiting for the kiss as he stares at her lips. The poetry of the work lies in these two profiles, so close that they appear to be twins. This confirms Trouille's increasingly provocative sense of humor, as he depicts the confessor with features so soft, they seem almost feminine.
A confessor in the Catholic religion refers to a priest who administers the sacrament of penance and reconciliation. In the painting, the artist subverts this priest’s role, whom he paints in red from head to toe,. The “liturgical colors” of the priest’s vestments evoke specific moments in the religious calendar year. Naturally, red corresponds to the Passion.
In the 16th century, skin moles were thought by many to be the devil's mark. Trouille makes fun of this fantasy in several of his paintings, placing here a devil’s spot just above the woman’s lips that are about to commit sin.
Overlooking the sinners, King David and Saint Louis protest from their stained-glass windows. The artist most likely did not chose them randomly, as these two biblical figures also enjoyed the pleasures of the flesh.
Trouille paints what he calls a “triumph of love”. The writer and director Ado Kyrou, writing about love in Surrealist cinema, admired how Trouille “wonderfully fixed the radiant image of the kiss” – in some ways painting his own version of the 1929 blockbuster film The Kiss, featuring Greta Garbo’s and Lew Ayres' legendary kiss. And indeed, despite all the blasphemies, or perhaps thanks to them, the work is a magical representation of love and of that floating moment of the first kiss, when everything else is forgotten and fades away. The two lovers are alone in the world, illuminated in the foreground by an unknown source of light, playing with Gothic notions of the confusion of good and evil.

Brought to you by

Valérie Didier
Valérie Didier Specialist, Head of Sale

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