Lot Essay
« Je ne cherche pas à inventer quelque chose de nouveau : je laisse venir les choses de telle sorte que la nouveauté s’invente d’elle-même. » - Claude Viallat
Claude Viallat compte parmi les artistes majeurs de la galerie Jean Fournier. Le marchand rencontre l’artiste pour la première fois en 1968. Fraîchement débarqué de Nîmes, Viallat insiste auprès de Jean Fournier pour lui montrer ses œuvres. Habitué à recevoir les jeunes artistes, Jean Fournier lui propose une visite d’atelier mais à sa grande surprise, il n’aura pas besoin de se déplacer, Claude Viallat a plié ses toiles dans une valise ! Et l’artiste de déployer à même le sol de la galerie ses toiles colorées. Epaté par cette méthode réellement avant-gardiste pour l’époque, Jean Fournier lui consacre quelques temps plus tard une exposition personnelle, première d’une fructueuse collaboration.
Né en 1936 à Nîmes, où il vit et travaille encore aujourd’hui, Claude Viallat est cofondateur de Supports/Surfaces, un mouvement artistique né dans le Sud de la France à la fin des années 1960. Inspirés par les idées de gauche révolutionnaire, les artistes de ce groupe souhaitaient réinventer radicalement la peinture à partir de ses composantes les plus élémentaires : le support (le châssis) et la surface (la toile).
Alors que les artistes « Supports » tels que Daniel Dezeuze prennent le châssis comme point de départ, Claude Viallat se situe résolument dans le camp des « Surfaces », travaillant en majorité sur des toiles non tendues. En 1966, il développe son motif emblématique : une forme évoquant un osselet. Cette forme a été créée fortuitement en oubliant une grosse éponge dans un sceau d’eau mélangé à de l’eau de javel. Cette forme désagrégée a d’abord été la matrice des premières empreintes puis Viallat a rapidement mis au point un système de pochoir, contribuant de fait à la rapidité d’exécution et la régularité des formes.
Appliquée en diagonale sur des pans de tissu, cette forme répétée échappe au confinement ordonné de la grille minimaliste. Souvent incomplet au bord du tissu – qui est dépourvu de cadre ou de châssis –, le motif de Viallat implique que ce que nous voyons pourrait n’être qu’un fragment d’un tout infini, influencé par l’espace all over des grandes compositions de l’expressionnisme abstrait américain et en particulier de Jackson Pollock qu’il admire infiniment et dont il avait une fine connaissance. Comme d’autres artistes qui appréciait Jean Fournier, Viallat a questionné la peinture abstraite en tant que processus ; sa démarche rappelle également le mouvement américain Colour Field.
Jean Fournier a joué un rôle important dans la trajectoire de Supports/Surfaces, tout comme Simon Hantaï, artiste indissociable de la galerie, dont le procédé de pliage exerça une influence déterminante sur le groupe. C’est Simon Hantaï qui a sensibilisé Jean Fournier à l’expressionnisme abstrait américain et l’a introduit auprès de ceux vivant à Paris dans les années 1950-1960. Ainsi, la galerie Jean Fournier a été le lieu de cette transmission où les liens artistiques et intellectuels se sont tissés pour toujours, entre les artistes, les critiques et les collectionneurs.
Le marchand n’a cependant jamais cédé aux sirènes des modes et des mouvements artistiques. Il s’est avant tout intéressé à la pratique de chaque artiste en tant qu’individu unique, recherchant l’émerveillement de la nouveauté et de la beauté.
Cependant la force du travail de Viallat réside peut-être dans la puissance chromatique de ses œuvres, évoquant l’éclat des couleurs de Matisse dont il est un fervent admirateur au point de lui rendre de nombreux hommages. Le recours aux contrastes colorés, la multitude de motifs, la découpe de la couleur, tout chez Viallat renvoie à Matisse. Les premiers textiles de l’artiste nîmois étaient teintés, tachés, imprimés ou simplement exposés au soleil ou à la pluie qui modifiaient leurs teintes. S’éloignant des modes traditionnels d’application de la couleur, ces méthodes s’inscrivent dans le désir commun des artistes de Supports/Surfaces de ne plus solliciter la main de l’artiste dans le processus de création.
En 1970, Viallat est co-commissaire d’une exposition intitulée « Intérieur/Extérieur », dans laquelle les œuvres du groupe sont installées in situ : on les retrouve dans le lit des rivières, au cœur des forêts, dans des prairies, voire dans des rues et sur les places des villes. Au cours de la décennie 1970, Viallat commence à utiliser de la peinture, des pochoirs et des pinceaux pour appliquer son motif : désormais, il se concentre moins sur la matérialité des surfaces que sur leur configuration spatiale. Si l’on compare la couleur « tachée » de l’œuvre présentée ici et les coups de pinceau animés, roses et verts, des deux exemples plus récents, datant de 1981 et 1986, la différence d’approche est palpable.
En désaccord avec le dogmatisme politique et théorique de Louis Cane et Marc Devade, Viallat démissionne de Supports/Surfaces en 1971 et, trois ans plus tard, le groupe périclite.
Tout au long de sa carrière, Claude Viallat a continué à développer un langage singulier. Appliquant son motif sur de nombreux supports – draps, chemises, parasols, parapluies, toiles de tente, rideaux – ou travaillant sur des motifs imprimés préexistants, il tient à laisser ses modes de production visibles et libère ses matériaux de leur fonction d’origine. Ainsi, avec ses œuvres facilement transportables, l’artiste invite la peinture à investir de nouveaux environnements où la couleur triomphe.
Claude Viallat compte parmi les artistes majeurs de la galerie Jean Fournier. Le marchand rencontre l’artiste pour la première fois en 1968. Fraîchement débarqué de Nîmes, Viallat insiste auprès de Jean Fournier pour lui montrer ses œuvres. Habitué à recevoir les jeunes artistes, Jean Fournier lui propose une visite d’atelier mais à sa grande surprise, il n’aura pas besoin de se déplacer, Claude Viallat a plié ses toiles dans une valise ! Et l’artiste de déployer à même le sol de la galerie ses toiles colorées. Epaté par cette méthode réellement avant-gardiste pour l’époque, Jean Fournier lui consacre quelques temps plus tard une exposition personnelle, première d’une fructueuse collaboration.
Né en 1936 à Nîmes, où il vit et travaille encore aujourd’hui, Claude Viallat est cofondateur de Supports/Surfaces, un mouvement artistique né dans le Sud de la France à la fin des années 1960. Inspirés par les idées de gauche révolutionnaire, les artistes de ce groupe souhaitaient réinventer radicalement la peinture à partir de ses composantes les plus élémentaires : le support (le châssis) et la surface (la toile).
Alors que les artistes « Supports » tels que Daniel Dezeuze prennent le châssis comme point de départ, Claude Viallat se situe résolument dans le camp des « Surfaces », travaillant en majorité sur des toiles non tendues. En 1966, il développe son motif emblématique : une forme évoquant un osselet. Cette forme a été créée fortuitement en oubliant une grosse éponge dans un sceau d’eau mélangé à de l’eau de javel. Cette forme désagrégée a d’abord été la matrice des premières empreintes puis Viallat a rapidement mis au point un système de pochoir, contribuant de fait à la rapidité d’exécution et la régularité des formes.
Appliquée en diagonale sur des pans de tissu, cette forme répétée échappe au confinement ordonné de la grille minimaliste. Souvent incomplet au bord du tissu – qui est dépourvu de cadre ou de châssis –, le motif de Viallat implique que ce que nous voyons pourrait n’être qu’un fragment d’un tout infini, influencé par l’espace all over des grandes compositions de l’expressionnisme abstrait américain et en particulier de Jackson Pollock qu’il admire infiniment et dont il avait une fine connaissance. Comme d’autres artistes qui appréciait Jean Fournier, Viallat a questionné la peinture abstraite en tant que processus ; sa démarche rappelle également le mouvement américain Colour Field.
Jean Fournier a joué un rôle important dans la trajectoire de Supports/Surfaces, tout comme Simon Hantaï, artiste indissociable de la galerie, dont le procédé de pliage exerça une influence déterminante sur le groupe. C’est Simon Hantaï qui a sensibilisé Jean Fournier à l’expressionnisme abstrait américain et l’a introduit auprès de ceux vivant à Paris dans les années 1950-1960. Ainsi, la galerie Jean Fournier a été le lieu de cette transmission où les liens artistiques et intellectuels se sont tissés pour toujours, entre les artistes, les critiques et les collectionneurs.
Le marchand n’a cependant jamais cédé aux sirènes des modes et des mouvements artistiques. Il s’est avant tout intéressé à la pratique de chaque artiste en tant qu’individu unique, recherchant l’émerveillement de la nouveauté et de la beauté.
Cependant la force du travail de Viallat réside peut-être dans la puissance chromatique de ses œuvres, évoquant l’éclat des couleurs de Matisse dont il est un fervent admirateur au point de lui rendre de nombreux hommages. Le recours aux contrastes colorés, la multitude de motifs, la découpe de la couleur, tout chez Viallat renvoie à Matisse. Les premiers textiles de l’artiste nîmois étaient teintés, tachés, imprimés ou simplement exposés au soleil ou à la pluie qui modifiaient leurs teintes. S’éloignant des modes traditionnels d’application de la couleur, ces méthodes s’inscrivent dans le désir commun des artistes de Supports/Surfaces de ne plus solliciter la main de l’artiste dans le processus de création.
En 1970, Viallat est co-commissaire d’une exposition intitulée « Intérieur/Extérieur », dans laquelle les œuvres du groupe sont installées in situ : on les retrouve dans le lit des rivières, au cœur des forêts, dans des prairies, voire dans des rues et sur les places des villes. Au cours de la décennie 1970, Viallat commence à utiliser de la peinture, des pochoirs et des pinceaux pour appliquer son motif : désormais, il se concentre moins sur la matérialité des surfaces que sur leur configuration spatiale. Si l’on compare la couleur « tachée » de l’œuvre présentée ici et les coups de pinceau animés, roses et verts, des deux exemples plus récents, datant de 1981 et 1986, la différence d’approche est palpable.
En désaccord avec le dogmatisme politique et théorique de Louis Cane et Marc Devade, Viallat démissionne de Supports/Surfaces en 1971 et, trois ans plus tard, le groupe périclite.
Tout au long de sa carrière, Claude Viallat a continué à développer un langage singulier. Appliquant son motif sur de nombreux supports – draps, chemises, parasols, parapluies, toiles de tente, rideaux – ou travaillant sur des motifs imprimés préexistants, il tient à laisser ses modes de production visibles et libère ses matériaux de leur fonction d’origine. Ainsi, avec ses œuvres facilement transportables, l’artiste invite la peinture à investir de nouveaux environnements où la couleur triomphe.