LA FONTAINE, Jean de (1621-1695) et Jean-Baptiste OUDRY (1686-1755)
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Fables choisies, mises en vers. Paris : Desaint & Saillant, et Durand, 1755-1759.

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LA FONTAINE, Jean de (1621-1695) et Jean-Baptiste OUDRY (1686-1755)
Fables choisies, mises en vers. Paris : Desaint & Saillant, et Durand, 1755-1759.

Spectaculaire exemplaire, sur papier impérial d’Auvergne, colorié vers 1782, relié aux armes de Maria Feodorovna, future impératice consort de Russie. Les couleurs sont d'une remarquable fraîcheur. Cette édition, certainement la plus fameuse des Fables, est restée célèbre pour les nombreuses gravures qui l'illustrent, réalisées d'après Jean-Baptiste Oudry qui, selon l'éditeur, "sut si bien s'approprier les idées du Poète que l'on dirait en quelque façon que la même muse s'est servie de son crayon... Aussi peut-on à juste titre l'appeler lui-même le La Fontaine de la Peinture, puisque personne n'a mieux su faire agir et parler les animaux qu'il l'a fait dans ses tableaux, et particulièrement" dans ce cycle d'illustrations, fruit de cinq années de travail.

Les dessins ont été réalisés entre 1729 et 1733 - si, pour l’éditeur, Oudry les composoit pour son propre plaisir et dans ces moments de joie et de fantaisie où un artiste… donne un libre essor à son génie, il est probable qu’ils étaient à l’origine destinés à une série de cartons de tapisserie.

Vers 1751, l’artiste vend ses originaux à Jean-Louis Regnard de Montenault, qui nourrit rapidement le dessein d’une nouvelle édition illustrée des Fables, plus au goût du jour que l’originale. Avec l’aide financière du banquier Darcy, les compositions de Oudry sont retravaillées et retouchées spécialement pour la gravure sous la direction de Charles-Nicolas Cochin fils. Les planches, réalisées par les meilleurs graveurs du temps, conservent le format des originaux et l’éditeur choisit une taille inhabituelle pour l’époque “quand déjà naît la mode des petits formats, [pour renforcer] le caractère prestigieux et monumental de la publication” (C. Lesage).

L’éditeur ne recule devant aucun effort "pour rendre cette édition la plus complette et la plus parfaite qu’il fût possible". Si les deux premiers volumes sont publiés en 1755 et le troisième l’année suivante, les difficultés financières évidentes au vu du luxe de l’édition ne tardent pas à apparaître, et la parution du dernier volume est repoussée jusqu’en 1759, lorsqu’un don de 80 000 livres du roi lui-même permet de mener l’entreprise à son terme. Malgré ce soin et après toutes ces péripéties, le succès commercial n’est ni immédiat ni total. Quantité d’exemplaires ne trouvent pas preneur et restent alors non reliés.

Un exemplaire de prestige, aux planches coloriées:
Une trentaine d’années plus tard, en 1782, paraît une souscription pour des exemplaires de cette même édition des Fables, « avec les estampes coloriées » : les exemplaires sont enluminés à Paris, chez Mesdemoiselles Neviance. Toutes les planches, vignettes et culs-de-lampe sont alors magnifiquement coloriés à la main. Les quelques exemplaires coloriés à l’époque, comme celui-ci, dont on a pu retrouver la trace, sont probablement issus de cette entreprise. Leur coût, considérable (à partir de 400 livres pour les souscripteurs, et jusqu’à 550 livres pour les non-souscripteurs), les réserve aux amateurs fortunés.

En mai 1782, le Tsarévitch Paul Petrovitch, futur Paul Ier, et son épouse Maria Feodorovna (1759-1828, née Sophie Dorothea de Württemberg), sont à Paris. La France est une des étapes de leur grand périple européen, qu’ils débutent en septembre 1781 après avoir reçu la bénédiction de la mère de Paul, la grande impératrice Catherine II. Cette dernière avait entretenu une correspondance nourrie avec nombre d'intellectuels et d'hommes de lettres de son époque, parmi lesquels Voltaire, Diderot, et d'Alembert. Paul aurait d’ailleurs confié à d’Alembert : « Je regretterai toujours, Monsieur, que mon éducation n’ait pas été remise en vos mains » (Almanach littéraire ou étrennes d'Apollon, Paris : Veuve Duchesne, 1792, p. 82). En outre, Maria Feodorovna avait grandi en France, dans la principauté de Montbéliard. Le couple est donc pétri de culture française, et le passage par Paris est un moment fort de leur voyage. C’est probablement à l’occasion de ce séjour parisien que la future impératrice reçoit son exemplaire des Fables. Peut-être en a-t-elle fait l’acquisition - on disait alors qu’ils avaient “trois millions à dépenser à Paris” (Bachaumont, Mémoires secrets..., 1783, XX, p. 260) -, ou peut-être lui a-t-il été offert, comme cadeau diplomatique, témoignant de la culture française et de l’excellence de ses graveurs et typographes.

On connaît à peine une poignée d’exemplaires, en coloris de l’époque et revêtus de reliures armoriées : citons ainsi un exemplaire en maroquin rouge, aux armes du comte Nikita Ivanovitch Panine (1718-1783), diplomate, ministre des Affaires étrangères et gouverneur du grand-duc Paul Petrovitch (Kostbare Bücher und Manuskripte aus österreichischen und russischen kaiserlichen Bibliotheken, Lucerne, 20-21 juin 1933, n°423), et un exemplaire aux armes du comte d’Artois, futur Charles X, passé ensuite dans la collection Ganay-Béhague (Christie’s Paris, 26 novembre 2019, lot n°74). Mais le présent exemplaire est, assurément, le plus prestigieux de tous.

L’Année littéraire, Paris, Mérigot, 1782, pp. 351-353 ; Brunet III, 753 ; Cohen-de Ricci 548-550 (“magnifique ouvrage”) ; C. Lesage, “La Fortune des Fables au XVIIIe siècle”, 1995, pp. 160-165 ("Les deux cent soixante-quinze dessins de Jean-Baptiste Oudry… vont donner naissance à l'édition la plus prestigieuse et la plus copiée du siècle et à de très nombreuses déclinaisons dans les Arts décoratifs…") ; Rochambeau n°86 ; Tchemerzine III, 874-875 (édition magnifique…par les meilleurs graveurs du temps”).

4 vol. in-folio (490 x 326 mm). Exemplaire sur papier impérial d’Auvergne (avec le filigrane parlant de la dynastie de papetiers auvergnats Dupuy de la Grandrive, fondée dans la seconde moitié du XVIIe siècle). Une gravure allégorique avec buste de La Fontaine par Oudry, terminé par Dupuis et gravé par Cochin, un portrait de Oudry gravé par Tardieu d’après Largillière, et 275 planches hors texte gravées par Chedel, Cochin, Dupuis, Fessard, Le Bas, et d'autres artistes d'après Oudry, nombreux culs-de-lampe. La planche de la fable Le Singe et le Léopard avant la lettre. Les gravures ont été coloriées à la main une trentaine d’années après l’édition (tome I : faux-titre restauré au verso, en marge intérieure, sur toute sa hauteur, piqûres en marge inférieure du portrait d’Oudry et de la page de titre ; tome II : restauration à l’angle inférieur droit du verso de la planche de la fable “La Vieille et les Deux Servantes” (fable LXXXVIII), restauration en marge extérieure de la planche de la fable "Les Médecins" (fable XCIV) ; tome III : taches/mouillures au feuillet D1, taches brunes au feuillet P2v. ; tome IV : restauration au faux-titre, touchant les lettres. Le défaut semble dû à la mise en couleur de la vignette de titre qui aurait traversé le papier ; pour les 4 volumes, souvent aux premiers et derniers feuillets : brunissures marginales, qui sont des reports de la colle utilisée pour les gardes de la reliure ; piqûres, rousseurs et brunissures éparses).
Reliure de la fin du XVIIIe siècle : maroquin rouge, armes de Maria Feodorovna au centre des plats, triple filet doré en encadrement, fleurons aux angles, dos à nerfs, caissons ornés de fers dorés (étoiles, fleurs, motifs ornementaux, frises de palmettes et de lys), nerfs ornés, double filet doré sur les coupes, gardes de papier marbré, roulette dorée en encadrement des contreplats, tranches dorées (quelques frottements, habiles restaurations aux coiffes et mors, dorure des armes parfois passée).

Provenance : Maria Feodorovna, impératrice consort de Russie (reliure aux armes) -- Librairie Georg, catalogue “Beaux livres (1700-1819)”, 1930, n°84, avec reproduction -- Dans les 4 volumes, cachet à l'encre bleue, “DOUANE CENTRALE” “EXPORTATION PARIS” -- Vente des 28 et 29 août 1933, Galerie Fischer, Grand Hôtel National, Lucerne, n°206 -- Sur le contreplat, étiquette de la librairie Thomas Scheler. Plusieurs feuillets présentent aussi un petit cachet à sec aux initiales GW.

A copy worthy of an Empress of this milestone of French typography and book illustration : La Fontaine's Fables, illustrated by Oudry, with all the plates and engraved compositions hand-coloured in 1782, bound in red morocco for Maria Feodorovna, née Duchess Sophie Dorothea of Württemberg (1759-1828), to be Empress of Russia as the second wife of Emperor Paul I. The colours are remarkably fresh.

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