Lot Essay
Pierre Roussel, un ébéniste de renom
Issu d'une famille de menuisiers modestes, Pierre Roussel s'établit Rue de Charenton à l'enseigne l'Image de Saint Pierre et est décrit dès 1769 dans l’Almanach de Vray Merit comme l’un des premiers ébénistes de Paris. Sa production durant le règne de Louis XV se caractérise par sa grande fécondité, avec des meubles d'une grande diversité dans lesquels nous retrouvons l'élégance, le raffinement et le soin caractéristiques de son œuvre. A la veille de sa mort, son activité était très importante. L’ensemble des meubles terminés et toujours en cours s’élevait à plus de 18.000 livres, somme importante pour l’époque. D’après son inventaire après décès en 1782 sa production est variée. La plupart des meubles sont décorés de marqueteries florales, de parqueteries mais également de laque qu’elle soit orientale ou européenne : ‘Deux vieille encoignures en lac rouge avec leurs cartels en couleur sans marbre 72 livres’ ; ‘ une commode en faux lac de trois pieds à la régence avec ses fontes dorées sans marbre 90 livres’. Il possédait par ailleurs ‘six feuilles de lac dont quatre en rouge et deux en noir représentant différents sujets, prisées et estimées la somme de 36 livres’ Son double rôle de marchand et d’ébéniste lui permet d’avoir une clientèle non seulement parisienne mais également provinciale, citons par exemple le comte de Cromot de Fougy, le marquis de Timbrune, la princesse d’Aremberg ou Monsieur Boulogne de Préninville.
Les secrets de la laque
La production de meubles en laque, qu’elle soit chinoise ou japonaise, de Pierre Roussel reste particulièrement rare. Ces meubles figurent parmi les plus luxueux qu’il ait jamais fabriqués, aucun d’entre eux ne portant la marque d’un autre ébéniste ou marchand ce qui qui suggère qu’il les aurait crées entièrement lui-même.
Apparus en Chine à partir du XVIIe siècle, les laques dites ‘de Coromandel’ tirent leur nom de la côté orientale de l’Inde, nommée ainsi par les Anglais, région où l’on a longtemps cru qu’elles étaient originaires. C’est tout d’abord grâce à l’essor du commerce maritime établi par les Portugais, alors installés en Chine depuis 1514, qu’un grand nombre d’objets chinois commencèrent à arriver en Europe. Des atelier spécialisés dans la productions d’objets d’art destinés à l’exportation commencèrent à y voir le jour. Les marchands européens les plus fortunés commandaient alors non seulement des objets en laque, mais également des soieries et des porcelaines. Par la suite, au XVIIe puis au XVIIIe siècle, la domination portugaise sera âprement disputée entre les Hollandais et les Anglais via la Compagnie des Indes Orientales ainsi que la East India Company Britannique. Les objets étaient transportés depuis la Chine puis débarqués sur la côte de Coromandel dans des ports tels que Madras, Kulikat ou Pondichéry. Les riches acheteurs européens, pas particulièrement attentifs à l’origine exact de ces objets, semblaient penser que tous provenaient de Coromandel.
La méthode de la laque de Coromandel, alors développée en Chine, consistait à recouvrir une âme de bois avec un tissu souvent de lin ou de chanvre, fixé à l’aide d’une colle d’origine végétale. Une multitude de très fines couches de laque étaient ensuite appliquée presque toujours de couleur noire ou brune. Le motif était par la suite peint grâce notamment à des pigments mats qui contrastaient avec la transparence et le brillant de la laque. Enfin il étaient gravés grâce à de profonde entailles afin de lui donner tout son relief.
Face à la popularité de la laque de Coromandel, des artisans en Europe ont cherché à reproduire cette technique dans leurs propres ateliers. C’est ainsi qu’apparut le Vernis Martin crée par les Frères Martin à Paris en 1728. Ce vernis, moins onéreux que les laques chinoises ou japonaises authentiques, a été largement adopté par les ébénistes pour décorer meubles et commodes, particulièrement sur les surfaces légèrement courbées.
Rareté et préciosité
Ce secrétaire semble faire parti d’un corpus très restreint puisqu’aujourd’hui nous ne connaissons qu’un seul autre secrétaire quasiment identique en structure et en qualité de la main du maître. Il s’agit d’un secrétaire vendu chez Artcurial le 23 juin 2010 provenant de la collection d’Alexandre Dumas Davy de La Pailleterie plus connu sous le nom d’Alexandre Dumas fils.
Parmi les commodes en laque de Coromandel les plus remarquables citons :
- Une commode d’époque Louis XV vendue chez Christie’s à Monaco le 17 juin 2000, lot 303 (1.357.500 F) provenant de la comtesse d’Aulst.
- Une commode à décor de scènes de palais vendue le 2 juillet 2021, Hôtel des ventes de Mantes-la-Jolie, Taquet ( 410 800 €) provenant de l’ancienne collection de la comtesse Edmond de Fels, née Jeanne Lebaudy (1865-1943), sa fille Edmée (1895-1991), duchesse de La Rochefoucauld, puis sa vente à Paris, étude de Ricqlès, le 23 juin 1993, lot 212.
Pierre Roussel, a renowned cabinetmaker
Born into a family of modest carpenters, Pierre Roussel established himself in the Rue de Charenton under the sign l'Image de Saint Pierre and was described in 1769 in the Almanach de Vray Merit as one of the leading cabinet-makers in Paris. His output during the reign of Louis XV was extremely prolific, with a wide variety of furniture in which we find the elegance, refinement and care characteristic of his work. On the eve of his death, he was very busy. The total amount of furniture completed and still in progress amounted to more than £18,000, a considerable sum for the time. According to his inventory after his death in 1782, his output was varied. Most of the furniture was decorated with floral marquetry and parquetry, but also with lacquer, whether oriental or European: ‘Deux vieilles encoignures en lac rouge avec leurs cartels en couleur sans marbre 72 livres “ ; ” une commode en faux lac de trois pieds à la régence avec ses fontes dorées sans marbre 90 livres’. He also owned ‘six lac leaves, four in red and two in black, representing different subjects, valued at 36 livres’. His dual role as merchant and cabinetmaker gave him a clientele that was not only Parisian but also provincial, including the Comte de Cromot de Fougy, the Marquis de Timbrune, the Princesse d'Aremberg and Monsieur Boulogne de Préninville.
The secrets of lacquer
Pierre Roussel's production of lacquer furniture, whether Chinese or Japanese, remains particularly rare. These pieces of furniture are among the most luxurious he ever made, none of them bearing the mark of another cabinetmaker or merchant, which suggests that he created them entirely himself.
First appearing in China in the 17th century, ‘Coromandel’ lacquers take their name from the eastern side of India, so named by the English, where they were long thought to have originated. A large number of Chinese objects began to arrive in Europe thanks to the boom in maritime trade established by the Portuguese, who had been living in China since 1514. Workshops specialising in the production of objets d'art for export began to spring up. The wealthiest European merchants ordered not only lacquerware, but also silks and porcelain. Later, in the 17th and 18th centuries, Portuguese domination was bitterly disputed between the Dutch and the English via the East India Company and the British East India Company. The objects were transported from China and then landed on the Coromandel coast in ports such as Madras, Kulikat and Pondicherry. Wealthy European buyers, not particularly attentive to the exact origin of these objects, seemed to think that they all came from Coromandel.
The Coromandel lacquer method, developed in China at the time, consisted of covering a wooden core with a fabric, often linen or hemp, fixed with a vegetable-based glue. A multitude of very thin layers of lacquer were then applied, almost always in black or brown. The motif was then painted, using matt pigments to contrast with the transparency and shine of the lacquer. Finally, it was engraved with deep cuts to give it its full relief.
Given the popularity of Coromandel lacquer, craftsmen in Europe sought to reproduce the technique in their own workshops. The result was Vernis Martin, created by the Martin brothers in Paris in 1728. This varnish, less expensive than authentic Chinese or Japanese lacquers, was widely adopted by cabinetmakers to decorate furniture and chests of drawers, particularly on slightly curved surfaces.
Rare and precious
This secretary seems to be part of a very limited corpus, since today we know of only one other secretary that is virtually identical in structure and quality by the master's hand. It was sold at Artcurial on 23 June 2010 from the collection of Alexandre Dumas Davy de La Pailleterie, better known as Alexandre Dumas fils.
Among the most remarkable Coromandel lacquer chests of drawers are
- A Louis XV period chest of drawers sold at Christie's in Monaco on 17 June 2000, lot 303 (1,357,500 F) from the Countess d'Aulst.
- A chest of drawers decorated with palace scenes sold on 2 July 2021, Hôtel des ventes de Mantes-la-Jolie, Taquet ( 410 800 €) from the former collection of the Countess Edmond de Fels, née Jeanne Lebaudy (1865-1943), her daughter Edmée (1895-1991), Duchess of La Rochefoucauld, then sold in Paris, étude de Ricqlès, on 23 June 1993, lot 212.
Issu d'une famille de menuisiers modestes, Pierre Roussel s'établit Rue de Charenton à l'enseigne l'Image de Saint Pierre et est décrit dès 1769 dans l’Almanach de Vray Merit comme l’un des premiers ébénistes de Paris. Sa production durant le règne de Louis XV se caractérise par sa grande fécondité, avec des meubles d'une grande diversité dans lesquels nous retrouvons l'élégance, le raffinement et le soin caractéristiques de son œuvre. A la veille de sa mort, son activité était très importante. L’ensemble des meubles terminés et toujours en cours s’élevait à plus de 18.000 livres, somme importante pour l’époque. D’après son inventaire après décès en 1782 sa production est variée. La plupart des meubles sont décorés de marqueteries florales, de parqueteries mais également de laque qu’elle soit orientale ou européenne : ‘Deux vieille encoignures en lac rouge avec leurs cartels en couleur sans marbre 72 livres’ ; ‘ une commode en faux lac de trois pieds à la régence avec ses fontes dorées sans marbre 90 livres’. Il possédait par ailleurs ‘six feuilles de lac dont quatre en rouge et deux en noir représentant différents sujets, prisées et estimées la somme de 36 livres’ Son double rôle de marchand et d’ébéniste lui permet d’avoir une clientèle non seulement parisienne mais également provinciale, citons par exemple le comte de Cromot de Fougy, le marquis de Timbrune, la princesse d’Aremberg ou Monsieur Boulogne de Préninville.
Les secrets de la laque
La production de meubles en laque, qu’elle soit chinoise ou japonaise, de Pierre Roussel reste particulièrement rare. Ces meubles figurent parmi les plus luxueux qu’il ait jamais fabriqués, aucun d’entre eux ne portant la marque d’un autre ébéniste ou marchand ce qui qui suggère qu’il les aurait crées entièrement lui-même.
Apparus en Chine à partir du XVIIe siècle, les laques dites ‘de Coromandel’ tirent leur nom de la côté orientale de l’Inde, nommée ainsi par les Anglais, région où l’on a longtemps cru qu’elles étaient originaires. C’est tout d’abord grâce à l’essor du commerce maritime établi par les Portugais, alors installés en Chine depuis 1514, qu’un grand nombre d’objets chinois commencèrent à arriver en Europe. Des atelier spécialisés dans la productions d’objets d’art destinés à l’exportation commencèrent à y voir le jour. Les marchands européens les plus fortunés commandaient alors non seulement des objets en laque, mais également des soieries et des porcelaines. Par la suite, au XVIIe puis au XVIIIe siècle, la domination portugaise sera âprement disputée entre les Hollandais et les Anglais via la Compagnie des Indes Orientales ainsi que la East India Company Britannique. Les objets étaient transportés depuis la Chine puis débarqués sur la côte de Coromandel dans des ports tels que Madras, Kulikat ou Pondichéry. Les riches acheteurs européens, pas particulièrement attentifs à l’origine exact de ces objets, semblaient penser que tous provenaient de Coromandel.
La méthode de la laque de Coromandel, alors développée en Chine, consistait à recouvrir une âme de bois avec un tissu souvent de lin ou de chanvre, fixé à l’aide d’une colle d’origine végétale. Une multitude de très fines couches de laque étaient ensuite appliquée presque toujours de couleur noire ou brune. Le motif était par la suite peint grâce notamment à des pigments mats qui contrastaient avec la transparence et le brillant de la laque. Enfin il étaient gravés grâce à de profonde entailles afin de lui donner tout son relief.
Face à la popularité de la laque de Coromandel, des artisans en Europe ont cherché à reproduire cette technique dans leurs propres ateliers. C’est ainsi qu’apparut le Vernis Martin crée par les Frères Martin à Paris en 1728. Ce vernis, moins onéreux que les laques chinoises ou japonaises authentiques, a été largement adopté par les ébénistes pour décorer meubles et commodes, particulièrement sur les surfaces légèrement courbées.
Rareté et préciosité
Ce secrétaire semble faire parti d’un corpus très restreint puisqu’aujourd’hui nous ne connaissons qu’un seul autre secrétaire quasiment identique en structure et en qualité de la main du maître. Il s’agit d’un secrétaire vendu chez Artcurial le 23 juin 2010 provenant de la collection d’Alexandre Dumas Davy de La Pailleterie plus connu sous le nom d’Alexandre Dumas fils.
Parmi les commodes en laque de Coromandel les plus remarquables citons :
- Une commode d’époque Louis XV vendue chez Christie’s à Monaco le 17 juin 2000, lot 303 (1.357.500 F) provenant de la comtesse d’Aulst.
- Une commode à décor de scènes de palais vendue le 2 juillet 2021, Hôtel des ventes de Mantes-la-Jolie, Taquet ( 410 800 €) provenant de l’ancienne collection de la comtesse Edmond de Fels, née Jeanne Lebaudy (1865-1943), sa fille Edmée (1895-1991), duchesse de La Rochefoucauld, puis sa vente à Paris, étude de Ricqlès, le 23 juin 1993, lot 212.
Pierre Roussel, a renowned cabinetmaker
Born into a family of modest carpenters, Pierre Roussel established himself in the Rue de Charenton under the sign l'Image de Saint Pierre and was described in 1769 in the Almanach de Vray Merit as one of the leading cabinet-makers in Paris. His output during the reign of Louis XV was extremely prolific, with a wide variety of furniture in which we find the elegance, refinement and care characteristic of his work. On the eve of his death, he was very busy. The total amount of furniture completed and still in progress amounted to more than £18,000, a considerable sum for the time. According to his inventory after his death in 1782, his output was varied. Most of the furniture was decorated with floral marquetry and parquetry, but also with lacquer, whether oriental or European: ‘Deux vieilles encoignures en lac rouge avec leurs cartels en couleur sans marbre 72 livres “ ; ” une commode en faux lac de trois pieds à la régence avec ses fontes dorées sans marbre 90 livres’. He also owned ‘six lac leaves, four in red and two in black, representing different subjects, valued at 36 livres’. His dual role as merchant and cabinetmaker gave him a clientele that was not only Parisian but also provincial, including the Comte de Cromot de Fougy, the Marquis de Timbrune, the Princesse d'Aremberg and Monsieur Boulogne de Préninville.
The secrets of lacquer
Pierre Roussel's production of lacquer furniture, whether Chinese or Japanese, remains particularly rare. These pieces of furniture are among the most luxurious he ever made, none of them bearing the mark of another cabinetmaker or merchant, which suggests that he created them entirely himself.
First appearing in China in the 17th century, ‘Coromandel’ lacquers take their name from the eastern side of India, so named by the English, where they were long thought to have originated. A large number of Chinese objects began to arrive in Europe thanks to the boom in maritime trade established by the Portuguese, who had been living in China since 1514. Workshops specialising in the production of objets d'art for export began to spring up. The wealthiest European merchants ordered not only lacquerware, but also silks and porcelain. Later, in the 17th and 18th centuries, Portuguese domination was bitterly disputed between the Dutch and the English via the East India Company and the British East India Company. The objects were transported from China and then landed on the Coromandel coast in ports such as Madras, Kulikat and Pondicherry. Wealthy European buyers, not particularly attentive to the exact origin of these objects, seemed to think that they all came from Coromandel.
The Coromandel lacquer method, developed in China at the time, consisted of covering a wooden core with a fabric, often linen or hemp, fixed with a vegetable-based glue. A multitude of very thin layers of lacquer were then applied, almost always in black or brown. The motif was then painted, using matt pigments to contrast with the transparency and shine of the lacquer. Finally, it was engraved with deep cuts to give it its full relief.
Given the popularity of Coromandel lacquer, craftsmen in Europe sought to reproduce the technique in their own workshops. The result was Vernis Martin, created by the Martin brothers in Paris in 1728. This varnish, less expensive than authentic Chinese or Japanese lacquers, was widely adopted by cabinetmakers to decorate furniture and chests of drawers, particularly on slightly curved surfaces.
Rare and precious
This secretary seems to be part of a very limited corpus, since today we know of only one other secretary that is virtually identical in structure and quality by the master's hand. It was sold at Artcurial on 23 June 2010 from the collection of Alexandre Dumas Davy de La Pailleterie, better known as Alexandre Dumas fils.
Among the most remarkable Coromandel lacquer chests of drawers are
- A Louis XV period chest of drawers sold at Christie's in Monaco on 17 June 2000, lot 303 (1,357,500 F) from the Countess d'Aulst.
- A chest of drawers decorated with palace scenes sold on 2 July 2021, Hôtel des ventes de Mantes-la-Jolie, Taquet ( 410 800 €) from the former collection of the Countess Edmond de Fels, née Jeanne Lebaudy (1865-1943), her daughter Edmée (1895-1991), Duchess of La Rochefoucauld, then sold in Paris, étude de Ricqlès, on 23 June 1993, lot 212.