拍品专文
Ce très important mobilier complète celui désormais conservé à New York au Metropolitan Museum of Art. D’une grande qualité de sculpture, cet ensemble a fait partie de deux grandes collections des XIXe et XXe siècles.
Une sculpture exceptionnelle, attribuable à Georges Jacob
Cette suite de quatre fauteuils présente des singularités intéressantes. Certains détails participent en effet au caractère unique de cet ensemble. La présence de fleurs de pavot au niveau des dés de raccordement et de la partie inférieure des enroulements des consoles d’accotoir est rare pour le XVIIIe siècle. Le motif, symbole du sommeil, laisserait présager un ensemble réalisé pour une chambre. Mais le pavot ne reste cependant pas attaché à cette pièce durant l’Ancien Régime. Il faudra attendre la toute fin du XVIIIe siècle et le Consulat pour que ce motif fasse partie, de façon systématique, du vocabulaire décoratif de l’endormissement.
La sculpture fouillée de la ceinture à motif de joncs relève également d’un travail maîtrisé. Le naturalisme envahit les arts décoratifs français à partir des années 1770-1780 et les sièges répondent à cette mode à l’instar du mobilier commandé pour la chambre de la Reine à Trianon en 1787 d’après un dessin de Jean-Demosthène Dugourc. Rode sculpte les éléments de gerbes de blé, de rubans, de branches de lierre et de jasmin et surtout de joncs en treillage, sous la direction de Georges Jacob.
Georges Jacob (1739-1814), prolifique menuisier, travaille tout d’abord pour Louis Delanois sous le règne de Louis XV. Il obtient sa maîtrise en 1765 et fonde un atelier qui ne cessera de prendre en ampleur. Il travaille dès 1773 pour le Garde-Meuble de la Couronne ainsi que pour toute l’aristocratie et la haute bourgeoisie. Jacob mêla des innovations et une qualité irréprochable de sculpture, lui permettant de répondre à une clientèle toujours croissante. La sculpture de nos fauteuils se rapproche de celle de Jacob. Les marques de sculpteurs nous indiquent également que deux mains ont dû principalement travailler à leur réalisation : la marque au cercle centré d’une croix est la signature du premier, tandis que les initiales IB correspondent au second (cette marque étant considérée par le Metropolitan Museum comme une des signatures de Georges Jacob, ce qui n’est aujourd’hui pas vérifiable).
La collection Wallace et la vente Beckett
Ce mobilier a fait partie de la collection de Sir Richard Wallace (1818-1890). Fameux collectionneur et philanthrope, il collectionna avec passion les arts décoratifs français. Une photographie de son intérieur correspondant à une vue de l’antichambre de son appartement parisien du 2, rue Laffitte montre l’un des fauteuils de ce grand ensemble accostant la cheminée.
On retrouve les quatre fauteuils dans la vente de la collection du banquier et politicien Ernest William Beckett, second Baron Grimthorpe (1856-1917), le 8 mai 1902 chez Christie’s à Londres sous le lot 205. Fils aîné de William Beckett (1826-1890), il reprit l’affaire familiale Beckett & Co et acquit de nombreuses œuvres d’art. L’exemplaire du catalogue de sa vente conservé dans les archives de la maison Christie’s nous donne une précision supplémentaire à la provenance Wallace. L’acheteur lors de la vente de 1902 n’est autre que le marchand Asher Wertheimer qui remporta l’ensemble des huit fauteuils (et non six comme précisé sur le catalogue mais corrigé de façon manuscrite sur l’exemplaire conservé par Christie’s) pour la somme de 861 £.
Un ensemble dispersé
L’ensemble de fauteuils est aujourd’hui dispersé puisqu’on retrouve au Metropolitan Museum of Art de New York quatre fauteuils en suite des nôtres présentés dans l’écrin formé par les boiseries de l’hôtel de Tessé et quatre autres fauteuils en mains privées (partie de lot vente Christie's, 2016). Les douze fauteuils ont été réalisés par les mêmes sculpteurs car des marques similaires se retrouvent sur leurs bois (les marques IB et au cercle centré d’une croix).
Concernant ceux de New York, un premier fauteuil est légué au Metropolitan en 1941 par le collectionneur Georges Blumenthal (inv. 41.190.197). Deux années plus tard, sa veuve Mary Ann Payne Blumenthal complète ce mobilier en donnant trois autres sièges (inv. 43.163.14, 15 et 16).
La famille donatrice Blumenthal les aurait potentiellement acquis directement auprès des héritiers de Richard Wallace qui aurait scindé la suite de fauteuils en deux groupes. L’un aurait été vendu et aurait fait par la suite partie de la vente Beckett en 1902 (il s’agit de l’ensemble de huit présenté ici) et l’autre aurait été conservé plus longuement dans la collection puisque quatre fauteuils sont décrits le 20 février 1912 dans l’inventaire dressé par l’expert Jules Mannheim dans l’antichambre de l’hôtel de la rue Laffitte : « Quatre fauteuils en bois sculpté et doré, couverts de damas vert époque Louis XVI – prisés deux mille francs » (in P. Hugues, p. 1545). Ces quatre fauteuils sont ceux du Metropolitan.
Georges Blumenthal (1858-1941) est une figure majeure dans le milieu des collectionneurs de la fin du XIXe siècle et de la première moitié du XXe siècle. D’abord membre du conseil d’administration puis septième président du Metropolitan Museum de New York de 1934 jusqu’à sa mort en 1941, il participe toute sa vie à la transmission artistique et la démocratisation de l’art au travers de sa collection et ses donations. Avec sa première épouse, Florence Blumenthal, il crée, en 1919, la fondation américaine Blumenthal pour la pensée et l’art français, permettant la découverte de talents français outre-Atlantique. A la mort de Florence, Georges Blumenthal perdure dans sa volonté d’être un acteur majeur de la scène artistique américaine. Plus qu’un simple mécène, il apporte, de sa propre collection, de véritables chefs-d’œuvre au Metropolitan Museum, comme le Patio du Château de Velez Blanco (inv. 41.190.482). Sa seconde épouse, Ann Payne Blumenthal (1889-1973) suit ses traces. Philanthrope, on lui sait une appétence particulière pour les travaux artistiques du XVIIIe siècle. Elle apporte un soutien important aux musées nationaux par le biais de nombreux legs, notamment en 1941, au Metropolitan Museum de New York, celui d’une sultane, d’une bergère et d’un écran de cheminé exécutés tous trois par Jean-Claude Séné en 1788 pour le Cabinet de Toilette de la reine Marie-Antoinette au château de Saint-Cloud (inv. 41.205.1 et 2).
Une sculpture exceptionnelle, attribuable à Georges Jacob
Cette suite de quatre fauteuils présente des singularités intéressantes. Certains détails participent en effet au caractère unique de cet ensemble. La présence de fleurs de pavot au niveau des dés de raccordement et de la partie inférieure des enroulements des consoles d’accotoir est rare pour le XVIIIe siècle. Le motif, symbole du sommeil, laisserait présager un ensemble réalisé pour une chambre. Mais le pavot ne reste cependant pas attaché à cette pièce durant l’Ancien Régime. Il faudra attendre la toute fin du XVIIIe siècle et le Consulat pour que ce motif fasse partie, de façon systématique, du vocabulaire décoratif de l’endormissement.
La sculpture fouillée de la ceinture à motif de joncs relève également d’un travail maîtrisé. Le naturalisme envahit les arts décoratifs français à partir des années 1770-1780 et les sièges répondent à cette mode à l’instar du mobilier commandé pour la chambre de la Reine à Trianon en 1787 d’après un dessin de Jean-Demosthène Dugourc. Rode sculpte les éléments de gerbes de blé, de rubans, de branches de lierre et de jasmin et surtout de joncs en treillage, sous la direction de Georges Jacob.
Georges Jacob (1739-1814), prolifique menuisier, travaille tout d’abord pour Louis Delanois sous le règne de Louis XV. Il obtient sa maîtrise en 1765 et fonde un atelier qui ne cessera de prendre en ampleur. Il travaille dès 1773 pour le Garde-Meuble de la Couronne ainsi que pour toute l’aristocratie et la haute bourgeoisie. Jacob mêla des innovations et une qualité irréprochable de sculpture, lui permettant de répondre à une clientèle toujours croissante. La sculpture de nos fauteuils se rapproche de celle de Jacob. Les marques de sculpteurs nous indiquent également que deux mains ont dû principalement travailler à leur réalisation : la marque au cercle centré d’une croix est la signature du premier, tandis que les initiales IB correspondent au second (cette marque étant considérée par le Metropolitan Museum comme une des signatures de Georges Jacob, ce qui n’est aujourd’hui pas vérifiable).
La collection Wallace et la vente Beckett
Ce mobilier a fait partie de la collection de Sir Richard Wallace (1818-1890). Fameux collectionneur et philanthrope, il collectionna avec passion les arts décoratifs français. Une photographie de son intérieur correspondant à une vue de l’antichambre de son appartement parisien du 2, rue Laffitte montre l’un des fauteuils de ce grand ensemble accostant la cheminée.
On retrouve les quatre fauteuils dans la vente de la collection du banquier et politicien Ernest William Beckett, second Baron Grimthorpe (1856-1917), le 8 mai 1902 chez Christie’s à Londres sous le lot 205. Fils aîné de William Beckett (1826-1890), il reprit l’affaire familiale Beckett & Co et acquit de nombreuses œuvres d’art. L’exemplaire du catalogue de sa vente conservé dans les archives de la maison Christie’s nous donne une précision supplémentaire à la provenance Wallace. L’acheteur lors de la vente de 1902 n’est autre que le marchand Asher Wertheimer qui remporta l’ensemble des huit fauteuils (et non six comme précisé sur le catalogue mais corrigé de façon manuscrite sur l’exemplaire conservé par Christie’s) pour la somme de 861 £.
Un ensemble dispersé
L’ensemble de fauteuils est aujourd’hui dispersé puisqu’on retrouve au Metropolitan Museum of Art de New York quatre fauteuils en suite des nôtres présentés dans l’écrin formé par les boiseries de l’hôtel de Tessé et quatre autres fauteuils en mains privées (partie de lot vente Christie's, 2016). Les douze fauteuils ont été réalisés par les mêmes sculpteurs car des marques similaires se retrouvent sur leurs bois (les marques IB et au cercle centré d’une croix).
Concernant ceux de New York, un premier fauteuil est légué au Metropolitan en 1941 par le collectionneur Georges Blumenthal (inv. 41.190.197). Deux années plus tard, sa veuve Mary Ann Payne Blumenthal complète ce mobilier en donnant trois autres sièges (inv. 43.163.14, 15 et 16).
La famille donatrice Blumenthal les aurait potentiellement acquis directement auprès des héritiers de Richard Wallace qui aurait scindé la suite de fauteuils en deux groupes. L’un aurait été vendu et aurait fait par la suite partie de la vente Beckett en 1902 (il s’agit de l’ensemble de huit présenté ici) et l’autre aurait été conservé plus longuement dans la collection puisque quatre fauteuils sont décrits le 20 février 1912 dans l’inventaire dressé par l’expert Jules Mannheim dans l’antichambre de l’hôtel de la rue Laffitte : « Quatre fauteuils en bois sculpté et doré, couverts de damas vert époque Louis XVI – prisés deux mille francs » (in P. Hugues, p. 1545). Ces quatre fauteuils sont ceux du Metropolitan.
Georges Blumenthal (1858-1941) est une figure majeure dans le milieu des collectionneurs de la fin du XIXe siècle et de la première moitié du XXe siècle. D’abord membre du conseil d’administration puis septième président du Metropolitan Museum de New York de 1934 jusqu’à sa mort en 1941, il participe toute sa vie à la transmission artistique et la démocratisation de l’art au travers de sa collection et ses donations. Avec sa première épouse, Florence Blumenthal, il crée, en 1919, la fondation américaine Blumenthal pour la pensée et l’art français, permettant la découverte de talents français outre-Atlantique. A la mort de Florence, Georges Blumenthal perdure dans sa volonté d’être un acteur majeur de la scène artistique américaine. Plus qu’un simple mécène, il apporte, de sa propre collection, de véritables chefs-d’œuvre au Metropolitan Museum, comme le Patio du Château de Velez Blanco (inv. 41.190.482). Sa seconde épouse, Ann Payne Blumenthal (1889-1973) suit ses traces. Philanthrope, on lui sait une appétence particulière pour les travaux artistiques du XVIIIe siècle. Elle apporte un soutien important aux musées nationaux par le biais de nombreux legs, notamment en 1941, au Metropolitan Museum de New York, celui d’une sultane, d’une bergère et d’un écran de cheminé exécutés tous trois par Jean-Claude Séné en 1788 pour le Cabinet de Toilette de la reine Marie-Antoinette au château de Saint-Cloud (inv. 41.205.1 et 2).