拍品專文
Découverte inédite, cette étude de sainte Catherine est une rare addition au corpus dessiné de l’un des plus grands peintres du classicisme français. D’une composition très aboutie, ce lavis brun aux reflets blonds est caractéristique des dessins du début de la carrière de Nicolas Poussin.
Un dessin de sa période romaine
Arrivé à Rome en 1624, à l’âge de trente ans, Poussin fréquente le sculpteur flamand François Duquesnoy (1597-1643) et l’atelier du Dominiquin (1581-1641) pour y étudier le modèle vivant. Les commandes officielles débutent et il réalise notamment l'un de ses premiers grands tableaux d’autel, le Martyre de saint Érasme, pour la basilique Saint Pierre de Rome (aujourd’hui à la Pinacothèque vaticane, Rome, inv. 40394).
Le présent dessin date très probablement des années 1627-1630. Pierre Rosenberg et Louis-Antoine Prat ont identifié dès 1994 un groupe de cinq dessins réalisés à la plume et à l’encre brune, rehaussés d’un lavis brun très lumineux, aux sujets mythologiques qui n’ont, vraisembablement, pas été transcrits en peinture. Les dessins de ce groupe présentent de nombreuses similitudes avec la présente feuille. Citons Mars et Vénus puis Acis et Galatée, conservés au musée Condé de Chantilly (fig. 1 ; inv. AI 174 NI 208 ; inv. AI 174bis ; NI209 ; P. Rosenberg, L.-A. Prat, Nicolas Poussin (1594-1665). Catalogue raisonné des dessins, Milan, 1994, I., n° 49, 48, ill), Deux putti combattant et Jupiter et Antiope, aux Beaux-Arts de Paris (inv. 1421 et inv. 2865 ; op. cit., n° 45, 47, ill) et enfin Thésée abandonnant Ariane aux Offices de Florence (in. 5740S ; op. cit., n° 46).
De nombreuses analogies lient ce groupe de feuilles cohérent, parmi lesquelles les coiffures et les expressions des visages des putti, les hachures horizontales à l’arrière-plan, la luminosité qui se dégage des compositions grâce au jeu du papier laissé en réserve qui contraste avec les aplats de lavis brun, ou encore la ‘beauté du lavis blond et la clarté de la définition des formes’ si bien décrites par Pierre Rosenberg et Louis-Antoine Prat (Nicolas Poussin. La collection du musée Condé à Chantilly, cat. exp., Château de Chantilly, musée Condé, 1994-1995, p. 84). Le présent dessin est particulièrement comparable en terme d’écriture avec l’un des deux dessins de Chantilly, Mars et Vénus (fig. 1).
Quant à la composition d’ensemble, il existe un tableau représentant une Fuite en Egypte conservé à Winterthur, Sammlung Oskar Reinhart et daté vers 1630 par Jacques Thuillier qui dépeint le même groupe de putti tenant un drap et une couronne de fleurs que dans le présent dessin, mais en sens inverse (fig. 2 ; J. Thuillier, Nicolas Poussin, Paris, 2015, n° 80, ill).
Le choix iconographique de sainte Catherine
Si Sainte Catherine est le plus souvent représentée en martyre avec sa roue, ici, et c’est assez rare pour le souligner, sainte Catherine se convertit au Christianisme par la peinture. Sur ce dessin, la sainte regarde, non sans émotion, la main posée sur le cœur, une œuvre représentant une Vierge à l'Enfant. L’image pieuse est tenue devant elle par deux putti pendant que deux autres lui apportent la palme du martyre et une couronne fleurie. L’épisode est relaté par Jacques de Voragine (vers 1230-1298) au XIIIe siècle puis raconté par le chartreux belge Pierre Dorland (1454-1507) dans la seconde moitié du XVe siècle : ‘le roi Costus, sur son lit de mort, fait promettre à sa fille Catherine de n’épouser qu’un homme qui l’égale en sagesse et en beauté. La mère de Catherine, qui était secrètement chrétienne, la mène à un ermite lequel lui parle d’un fiancé qui la surpasse en tout et dont le royaume est éternel : en même temps il lui présente une image de l’Enfant Jésus dans les bras de la Vierge. Catherine s’agenouille devant l’image de son fiancé mystique’ (L. Réau, L’Iconographie de l’art chrétien. III, L’iconographie des saints, I, Paris, 1958, p. 267-268).
Une provenance anglaise prestigieuse
Emérite collectionneur et portraitiste anglais, Jonathan Richardson senior (1667-1745) a possédé près de 5000 dessins dont la majeure partie sont passés en vente aux enchères lors de plusieurs vacations en janvier 1747. La collection est constituée en grande partie de dessins italiens à l’image du présent dessin qui était classé sous le nom de Pietro Locatelli (1695-1741) comme indiqué sur le montage d’origine caractéristique, mais également quelques dessins français dont Nicolas Poussin et Claude Lorrain (1600-1682), puis des écoles du Nord, de Rembrandt (1606-1669) à Rubens (1577-1640), (C. Gibson-Wood, ‘A judiciously disposed collection’ : Jonathan Richardson Senior’s cabinet of drawings’, in Collecting Prints and Drawings in Europe, c. 1500-1750, Aldershot, 2003, p. 158). Le présent dessin a conservé son montage d’origine avec un liseré doré très typique qui introduira une sorte d’effet de mode chez les collectionneurs anglais. Viennent ensuite des doubles lignes d’encadrement à la plume et encre brune plus ou moins foncées et plus ou moins larges. Le dessin porte également le tampon de la collection Richardson en bas à droite : une palette de peintre accompagnée de pinceaux. Rosenberg et Prat ont relevé pas moins de treize dessins de Nicolas Poussin ayant appartenus à Jonathan Richardson senior, sans compter ceux anciennement attribués à Poussin et qui aujourd’hui sont dans le catalogue des œuvres rejetées. A l’inverse, la présente feuille est une addition importante non seulement au corpus dessiné de Nicolas Poussin mais également au nombre de dessins authentifiés de l’artiste ayant appartenu à ce célèbre collectionneur anglais et peintre de portraits.
Fig. 1 N. Poussin, Mars et Vénus, plume et encre brune, lavis brun, Chantilly, musée Condé
Fig. 2 N. Poussin, La Fuite en Egypte, huile sur toile, Winterthur
Un dessin de sa période romaine
Arrivé à Rome en 1624, à l’âge de trente ans, Poussin fréquente le sculpteur flamand François Duquesnoy (1597-1643) et l’atelier du Dominiquin (1581-1641) pour y étudier le modèle vivant. Les commandes officielles débutent et il réalise notamment l'un de ses premiers grands tableaux d’autel, le Martyre de saint Érasme, pour la basilique Saint Pierre de Rome (aujourd’hui à la Pinacothèque vaticane, Rome, inv. 40394).
Le présent dessin date très probablement des années 1627-1630. Pierre Rosenberg et Louis-Antoine Prat ont identifié dès 1994 un groupe de cinq dessins réalisés à la plume et à l’encre brune, rehaussés d’un lavis brun très lumineux, aux sujets mythologiques qui n’ont, vraisembablement, pas été transcrits en peinture. Les dessins de ce groupe présentent de nombreuses similitudes avec la présente feuille. Citons Mars et Vénus puis Acis et Galatée, conservés au musée Condé de Chantilly (fig. 1 ; inv. AI 174 NI 208 ; inv. AI 174bis ; NI209 ; P. Rosenberg, L.-A. Prat, Nicolas Poussin (1594-1665). Catalogue raisonné des dessins, Milan, 1994, I., n° 49, 48, ill), Deux putti combattant et Jupiter et Antiope, aux Beaux-Arts de Paris (inv. 1421 et inv. 2865 ; op. cit., n° 45, 47, ill) et enfin Thésée abandonnant Ariane aux Offices de Florence (in. 5740S ; op. cit., n° 46).
De nombreuses analogies lient ce groupe de feuilles cohérent, parmi lesquelles les coiffures et les expressions des visages des putti, les hachures horizontales à l’arrière-plan, la luminosité qui se dégage des compositions grâce au jeu du papier laissé en réserve qui contraste avec les aplats de lavis brun, ou encore la ‘beauté du lavis blond et la clarté de la définition des formes’ si bien décrites par Pierre Rosenberg et Louis-Antoine Prat (Nicolas Poussin. La collection du musée Condé à Chantilly, cat. exp., Château de Chantilly, musée Condé, 1994-1995, p. 84). Le présent dessin est particulièrement comparable en terme d’écriture avec l’un des deux dessins de Chantilly, Mars et Vénus (fig. 1).
Quant à la composition d’ensemble, il existe un tableau représentant une Fuite en Egypte conservé à Winterthur, Sammlung Oskar Reinhart et daté vers 1630 par Jacques Thuillier qui dépeint le même groupe de putti tenant un drap et une couronne de fleurs que dans le présent dessin, mais en sens inverse (fig. 2 ; J. Thuillier, Nicolas Poussin, Paris, 2015, n° 80, ill).
Le choix iconographique de sainte Catherine
Si Sainte Catherine est le plus souvent représentée en martyre avec sa roue, ici, et c’est assez rare pour le souligner, sainte Catherine se convertit au Christianisme par la peinture. Sur ce dessin, la sainte regarde, non sans émotion, la main posée sur le cœur, une œuvre représentant une Vierge à l'Enfant. L’image pieuse est tenue devant elle par deux putti pendant que deux autres lui apportent la palme du martyre et une couronne fleurie. L’épisode est relaté par Jacques de Voragine (vers 1230-1298) au XIIIe siècle puis raconté par le chartreux belge Pierre Dorland (1454-1507) dans la seconde moitié du XVe siècle : ‘le roi Costus, sur son lit de mort, fait promettre à sa fille Catherine de n’épouser qu’un homme qui l’égale en sagesse et en beauté. La mère de Catherine, qui était secrètement chrétienne, la mène à un ermite lequel lui parle d’un fiancé qui la surpasse en tout et dont le royaume est éternel : en même temps il lui présente une image de l’Enfant Jésus dans les bras de la Vierge. Catherine s’agenouille devant l’image de son fiancé mystique’ (L. Réau, L’Iconographie de l’art chrétien. III, L’iconographie des saints, I, Paris, 1958, p. 267-268).
Une provenance anglaise prestigieuse
Emérite collectionneur et portraitiste anglais, Jonathan Richardson senior (1667-1745) a possédé près de 5000 dessins dont la majeure partie sont passés en vente aux enchères lors de plusieurs vacations en janvier 1747. La collection est constituée en grande partie de dessins italiens à l’image du présent dessin qui était classé sous le nom de Pietro Locatelli (1695-1741) comme indiqué sur le montage d’origine caractéristique, mais également quelques dessins français dont Nicolas Poussin et Claude Lorrain (1600-1682), puis des écoles du Nord, de Rembrandt (1606-1669) à Rubens (1577-1640), (C. Gibson-Wood, ‘A judiciously disposed collection’ : Jonathan Richardson Senior’s cabinet of drawings’, in Collecting Prints and Drawings in Europe, c. 1500-1750, Aldershot, 2003, p. 158). Le présent dessin a conservé son montage d’origine avec un liseré doré très typique qui introduira une sorte d’effet de mode chez les collectionneurs anglais. Viennent ensuite des doubles lignes d’encadrement à la plume et encre brune plus ou moins foncées et plus ou moins larges. Le dessin porte également le tampon de la collection Richardson en bas à droite : une palette de peintre accompagnée de pinceaux. Rosenberg et Prat ont relevé pas moins de treize dessins de Nicolas Poussin ayant appartenus à Jonathan Richardson senior, sans compter ceux anciennement attribués à Poussin et qui aujourd’hui sont dans le catalogue des œuvres rejetées. A l’inverse, la présente feuille est une addition importante non seulement au corpus dessiné de Nicolas Poussin mais également au nombre de dessins authentifiés de l’artiste ayant appartenu à ce célèbre collectionneur anglais et peintre de portraits.
Fig. 1 N. Poussin, Mars et Vénus, plume et encre brune, lavis brun, Chantilly, musée Condé
Fig. 2 N. Poussin, La Fuite en Egypte, huile sur toile, Winterthur